Dimanche 9 août, le
dernier dimanche en mer avant notre arrivée aux Açores. La boucle se referme
progressivement. L’équipage dort et récupère de son quart nocturne. Le vent se
fait attendre pour la deuxième journée consécutive, une petite houle balance Philéas,
le soleil assèche l’humidité de la nuit. Le silence propice à la réflexion
n’est rompu que par le bruit du moteur.
Les moments forts des
onze mois écoulés défilent dans ma mémoire. Cette traversée extra-ordinaire au
premier sens du terme n’a rien d’un exploit, certes c’est une démarche hors du
commun à la rencontre d’une infime partie du monde, de ses habitants. Au-delà
des paysages inhabituels qui m’ont ravie, de belles rencontres resteront
gravées dans ma mémoire des moments d’échanges
avec la flottille certes, mais plus enrichissants encore avec des hommes, des
femmes et des enfants qui ont pris le temps de dialoguer et de me livrer
quelques bribes de leur culture. Attachants sont ces enfants haïtiens qui au
détour d’une promenade viennent glisser leurs petites mains dans les miennes,
attentionnés et serviables ces cubains souvent dénués de l’essentiel qui, me
voyant désorientée, me proposent leur aide. Les peuples démunis, non encore aliénés par le tourisme de masse ont une grande
richesse : ils affichent un optimisme incroyable et une joie de vivre. Contraste
entre deux mondes, pays en voie de développement et pays développés. Les
derniers, éternels insatisfaits ne prennent plus le temps de vivre, de
regarder, d’écouter, trop concentrés sur leurs petits profits, enfermés par
leur égoïsme, peuples autistes mais sûrs de leur supériorité.
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Regard vers l'Ouest |
Belle surprise aux
Etats-Unis aussi, j’y ai découvert une population souvent prête à
s’émerveiller, enthousiaste et réceptive, de grands enfants… It’s amazing(1) ! Mais peut-être la présence de l’Hermione,
symbole fort de liberté et d’amitié entre la France et les Etats-Unis
n’a-t-elle faussé mon jugement et influencé leur comportement.
Au Canada la rudesse du
climat semble avoir préservé la solidarité. Une preuve que le froid conserve…
Qu’il est agréable de croiser sur une route, bien loin des embouteillages
estivaux de nos contrées, des automobilistes klaxonnant pour… nous saluer tout
simplement à grands renforts de signes de la main. Je suis plus coutumière des klaxons du style
« Poussez-vous de mon chemin, j’arrive ! »
Un petit mot encore sur
l’hospitalité de nos concitoyens de St Pierre et Miquelon. Ce petit bout de
terre française, isolée nous a réservé un accueil chaleureux et convivial.
Sincérité et simplicité sont les mots qui me viennent à l’esprit pour qualifier
nos contacts avec nos frères d'Amérique du Nord. Imaginez-vous une rencontre en fin
de soirée à la sortie d’un restaurant, l’échange de quelques paroles avec des
inconnus. Rien d’extraordinaire jusque-là, ce qui l’est davantage est la
livraison le lendemain matin à bord de Philéas, par le directeur du port, de
deux excellents pains aux olives tout chauds faits par Dominique, mon
interlocutrice de la veille.
Avec nostalgie mais
enrichie par ces relations humaines empreinte de simplicité, je laisse l’ouest
derrière moi avec regrets. L’Atlantique nord nous fait un cadeau supplémentaire : des conditions
météorologiques inespérées en nous épargnant
cyclones et dépressions.
De cette grande et belle aventure
gravitant autour de la croisière historique de l’Hermione, certains, quel
dommage, ne retiendront que les deux mois de commémorations, deux mois durant
lesquels les acteurs principaux, d’ailleurs, n’ont pas toujours su porter haut
et fort le symbole d’amitié et de fraternité attendu par la flottille. Les
vedettes oublient parfois que sans le soutien de leurs fans, ils ne sont
rien !
MédHermione c’est aussi
les dix autres mois, et pas des moindres, certainement moins fastueux, moins
empreints de symboles mais si intenses en termes de relations humaines. Des
liens se sont tissés, des complicités sont nées. Bien sûr la mayonnaise n’a pas
toujours pris au sein des équipages ou n’a pas tenu, mais quoi de plus normal,
notre flottille est un melting-pot de caractères qui au final ont fait preuve
d’intelligence et se sont adaptés les uns aux autres la plupart du temps.
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Vers l'Est |
L’aventure n’est pas
terminée et j’entends bien encore profiter pleinement du dernier mois avant mon
retour à Toulon. L’aventure n’est pas terminée en effet, mais les traversées
océaniques sont propices à la réflexion. Elles laissent libre cours au
vagabondage de l’esprit, à l’expression de la vie intérieure, du moins pour qui
ne craint ni silence, ni solitude !
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(1)
Leur
expression usuelle
Superbe « bout-de-brousse » et surtout joliment partagé !
RépondreSupprimerBravo et merci.
Christophe