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jeudi 19 mars 2015

CULEBRA OU LES ILES VIERGES ESPAGNOLES


Vendredi 13, notre jour de chance, le guindeau reprend enfin du service !


14h15, l’ancre est relevée, Philéas et son équipage, dans les « starting blocks », font des ronds dans l’eau devant le pont séparant Sandy Ground de la baie de Marigot.
14h30 la porte de la liberté s’ouvre sur l’océan atlantique. Nous nous engageons dans le chenal d’accès et retrouvons une baie à l’eau turquoise. Un dernier essai du guindeau valide la fin des travaux et nous prenons le large en direction de Culebra, île vierge espagnole.

 
Un vent portant de nord-est de 20 nœuds nous accompagne pendant 24 heures et nous lui en savons gré. La mer bien formée et une houle croisée de deux mètres nous rappelle la fragilité de nos estomacs déshabitués à tant de désordres. Les séjours prolongés sur le plancher des vaches ramollissent le marin et les organismes perdent la mémoire de l’inconfort… Nous remercions Éole de ne pas nous abandonner car avec une telle houle l’absence de vent transformerait Philéas en shaker frénétique.

La nuit s’annonce étoilée mais aujourd’hui pas question de nous attarder à la contemplation du ciel ; de nombreux bateaux croisent notre route et la vigilance du veilleur est requise.

En début d’après-midi l’île de Culebra se dévoile peu à peu. Nous nous dirigeons vers la baie « ensenada Honda »(1) accessible uniquement en venant du sud-est et en suivant rigoureusement le chenal d’accès. Le site est mal pavé, de part et d’autre de nombreuses « cayes »(2) tapissent les fonds, les distraits risquent d’y laisser leur bateau. Surprise nous croisons P’tit Mousse puis Alex Marie de la flottille MédHermione. Un rapide échange entre marins et chacun poursuit sa route, nous nous retrouverons ultérieurement.

Plage avant je dévire manuellement la chaîne, l’ancre tombe sans autre intervention, plus besoin de l’aider, au contraire elle a tendance à se prendre pour speedy gonzales.  « Du doigté » me dit le skipper, « du doigté ! ».

A  Culebra, île satellite de Porto Rico, elle-même état indépendant rattaché aux États-Unis, les formalités d’immigration s’effectuent à l’aéroport, aérodrome accueillant des petits porteurs et des aéronefs privés. L’activité y est cependant significative. La rigueur américaine est de mise. Nous nous présentons sans attendre à l’officier d’immigration, non sans avoir pris un contact téléphonique en amont. Avant tout chose, il s’enquiert de notre possession d’un visa d’entrée américain : « Vous avez bien un visa, pas un ESTA(3) ? Avez-vous téléphoné avant de venir ? Quel est le nom de votre bateau ? ». Mais pourquoi diable devoir téléphoner au préalable, le bureau est ouvert jusqu’à 17h00 ? Pas question de jouer aux fortes têtes, nous sommes sur le sol américain et ici on ne badine pas avec les autorités.  Français râleur ou contestataire s’abstenir !  Les formalités durent un temps certain –heureusement nous ne sommes que trois à bord- mais l’atmosphère se détend peu à peu. Nous sommes autorisés à circuler à Culebra, Vieques et Porto Rico et à naviguer dans les eaux américaines.

Le plan d’eau bordant les îles vierges espagnoles est parsemé de hauts-fonds. La navigation requiert une attention accrue pour zigzaguer  entre  moult pâtés de coraux. Côté terre, le vert soutenu est la couleur prédominante. Armée de ma curiosité et de mon appareil photo, je me lance, seule, à la conquête du lieu. Christian frappé par un lumbago depuis St Martin reste à bord pour se reposer tandis qu’Alain préfère savourer la quiétude du mouillage.

Culebra, île sauvage, encore préservée de l’appétit vorace des investisseurs immobiliers attirent Portoricains l’espace d’un weekend et touristes étrangers. Depuis 1975, année où la marine américaine a cessé d’utiliser l’archipel comme cible d’entraînement, ce groupe de 24 îles broussailleuses, situé à quelques 35 km au large de la côte est de Porto Rico, connaît un nouvel essor. La circulation se résumait auparavant à deux ou trois voitures. Progressivement le parc automobile s’est enrichi de nombreux véhicules type voiturettes de golf fort bien adaptées aux déplacements sur cette petite île. Les touristes semblent particulièrement apprécier ces quatre roues dépourvues de carrosserie. Et des 4X4 rutilants, de marque Jeep, signe du rattachement de Culebra aux Etats-Unis, y fleurissent désormais. De plus en plus de voyageurs portoricains commencent à apprécier les charmes de ces îles nonchalantes, attirés par ses superbes plages et ses récifs coralliens préservés qui font la joie des plongeurs.


Avec ses 11 km sur 6 km la petite île de Culebra, dont le nom signifie couleuvre en espagnol, domine l’ensemble de l’archipel. La ville principale, Dewey rassemble presque tous les habitants de la région, soit environ 2 000 âmes. Flamenco beach sur la côte nord, la plus belle plage de l’île, attire les amateurs de baignade. Suffisamment vaste, elle offre une intimité aux vacanciers que nos plages méditerranéennes peuvent lui envier. Un mouillage forain n’est cependant pas conseillé ; une forte houle vient s’écraser de façon récurrente, sur le rivage. Un tel ressac est suffisamment dissuasif et la tenue de l’ancre y est bien aléatoire. Lors de ma balade sur le rivage, le drapeau rouge est hissé, d’énormes rouleaux brassent énergiquement le sable.



Attirée par la réserve naturelle jouxtant la plage je m’y engage en quête de quelques oiseaux hors du commun. La rencontre avec l’oiseau rare ne sera pas pour aujourd’hui. Peut-être aurais-je dû m’engouffrer plus à l’intérieur. Une telle initiative est cependant à proscrire ; cette ex-zone militaire est encore truffée d’explosifs. Seul un insouciant se risquerait à s’aventurer hors du sentier balisé.




Un peu d’histoire

Découverte en même temps que Porto Rico par Christophe Colomb, en 1493 lors de son deuxième voyage, elle est alors habitée par les Indiens Tainos. Pendant trois siècles elle sert de refuge aux pirates, dont le célèbre Henry Morgan. En 1875, un Anglais de couleur du nom de Stevens est nommé gouverneur de l’île par le gouvernement de Vieques. Il doit protéger des pirates l’île et les pêcheurs mais est assassiné la même année. Culebra n’est réellement habitée qu’à partir de 1880 avec l’implantation de Cayetano Escuelero Sanz.
Le 25 septembre 1882 débute à Culebrita, un petit îlot au nord-est de Culebra, l’édification d’un phare. Il est  achevé le 25 février 1886 et reste pendant près de 100 ans, jusqu’à sa mise hors service en 1975, le plus ancien de la mer des Caraïbes.
En 1902 Culebra est intégrée à l’île de Vieques. En 1903 le président américain Théodore Roosevelt crée une zone navale militaire sur l’île à des fins d’entraînement au bombardement. La population de Culebra proteste violemment à partir de 1971 et obtient gain de cause en 1975 avec le déplacement des opérations sur l’île de Vieques.

Culebra est déclarée municipalité indépendante en 1917. Toutefois le gouverneur de l’île reste nommé par l’administration de Porto Rico jusqu’en 1960. Depuis cette date, Culebra élit librement ses représentants.

Porto Rico nous attend. Ce matin le branle-bas est matinal. Nous avons 25 nautiques(4) à parcourir pour atteindre Fajardo, situé au sud-est de l’ile et nous entendons bien arriver pour déjeuner.





(1) ensenada : signifie en espagnol anse, crique.
(2) caye : haut-fonds généralement rocher à fleur d’eau
(3) Les voyageurs étrangers arrivant sur le sol américain par un moyen privé sont assujettis à la possession d’un visa délivré par le consulat américain implantée à Paris. Ils doivent se rendre physiquement devant l’officier d’immigration qui après entretien leur délivre un visa en général d’une validité de 10 ans. En revanche les visiteurs voyageant par une compagnie commerciale n’ont besoin que d’un visa simplifié dit ESTA qui est délivré en se connectant sur le site Internet gouvernemental des États-Unis.
(4) un nautique correspond à 1852 mètres. En l’occurrence nous avons 46 km pour atteindre notre destination.




1 commentaire:

  1. Je suis contente de savoir que vous avez pu reprendre la mer après la réparation du guindeau.
    Et toi comment vas tu ?
    Je vous souhaite une bonne continuation.
    Plein de gros bisous.
    Liliane

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