Mercredi 22 octobre au matin la mer capitule sans condition, et sans
négociation elle nous libère de ses griffes. Notre seule force fut la patience.
Il eut été vain de lutter. Le marin sait rester humble. A bord des voiliers les
équipages sont parés. AlexMarie ouvre le bal. Mais quand vient le tour de
Philéas, Eole a un regain de mauvaise humeur ; les rafales s’enchaînent
pendant trois quarts d’heure. Les aussières ne sont pas encore larguées !
Nous attendons que le vent se fatigue.
09h30, nous démarrons le moteur et nous empressons d’embouquer le chenal
d’accès. La tension est palpable ; plus vite nous serons de l’autre côté
de l’étroite chicane, plus vite nous
serons en sécurité. Une rafale risque à tout moment de nous plaquer contre le
mur. Il est important de se hâter. En moins de cinq minutes la passe est franchie.
Nous sommes libres !
Trajet MadèreèGraciosa |
Nous établissons les voiles et pour une fois depuis bien longtemps faisons
route directe vers Graciosa, île des Petites Canaries située à 280 nautiques au
sud-est de Madère. Le rythme des quarts par bordée est vite repris. Philéas
s’empresse d’avaler les nautiques. Il allonge la foulée pendant mon premier
quart nocturne, 7 nœuds puis 8. Une heure du matin le vent faiblit
progressivement, notre vitesse a considérablement chuté lorsque je passe le
relais à Christian.
Au lever du jour une dizaine de dauphins tachetés de l’Atlantique
s’attardent autour de Philéas, plongent sous l’étrave, disparaissent pour
réapparaître à la poupe. Quelques milles plus tard lorsque nous relevons la
ligne de pêche, nous constatons que l’hameçon s’est volatilisé. Les dauphins
nous auraient-ils joué un mauvais tour ?
A l’approche de Graciosa nous scrutons la surface de la mer ; les eaux
canariennes sont réputées pour être fréquentées par nombre de cétacés, en
particulier par les globicéphales tropicaux, les cachalots, les baleines et les
grands dauphins. Notre attente n’est pas longue ; nous apercevons au loin leurs
souffles tels des geysers, puis la forme d’une baleine se dessine, puis une
seconde puis une troisième. Nous sommes cependant un peu loin pour en voir
davantage.
En contrebas la plage des Français |
En fin d’après-midi nous mouillons l’ancre au sud-est de l’île, le long de
la plage réservée pour nous, la playa Francesa (la plage des Français)... Ici,
aucune habitation ne dénature le littoral. A mille lieues du tourisme de masse
l’île ne possède aucune route goudronnée et de vieilles Land Rover constituent
le principal moyen de locomotion après la marche à pieds….
Arrivée au village de Caleta del
Sebo par les chemins de sable
|
Environ 600 personnes vivent sur Graciosa et presque toutes à Caleta del
Sebo, située à environ trente bonnes minutes de marche au nord-ouest de notre
plage. Ce bourg a des allures de village marocain avec ses maisons à toits
plats et aux façades immaculées. La décoration intérieure de l’église est d’une
simplicité séduisante. Le thème de la mer prédomine ; derrière l’autel la
coque d’une barque est suspendue sous un filet de pêcheur, les pupitres
revêtent la forme d’une coquille d’huitre ou d’un bénitier1 sculptée
dans le bois. Une chaise du même style y est assortie. Deux porte-cierges
représentent des poissons en position verticale.
Le mouillage de Graciosa mérite que l’on s’y attarde. Prendre son petit
déjeuner dans le cockpit de Philéas en contemplant un paysage préservé est un
moment privilégié. Devant nous s’étend une plage de sable vierge épargnée par
la main de l’homme, à l’arrière 27 km2 de garrigue aride la prolonge,
interrompus par cinq sommets volcaniques alignés du nord au sud. Comment ne pas
tomber sous le charme ? Loin de la civilisation, baignades, marches et lecture occupent nos journées. En
soirée les équipages de la mini flottille MédHermione se réunissent pour
partager les petits plats préparés par les uns et les autres. Et c’est ainsi
que nous nous retrouvons à quinze dans le cockpit d’Eraünsia, un Dufour 425 qui
a rejoint nos rangs, à déguster notamment une piperade, spécialité basque
préparée par notre hôte. A l’issue du weekend nos amis appareillent pour
rejoindre Lanzarote. Philéas ne résiste pas à la tentation de prolonger son
séjour de 24 heures. Christian en profite pour nettoyer la carène tandis que je
prépare la cabine d’Alain, le premier de nos équipiers qui doit embarquer dès
le lendemain à Arrecife.
Vue du haut d’un des sommets
volcaniques de Graciosa
|
En fin de matinée un baigneur aborde Philéas. Agréable surprise, Embellie V
est arrivée dans la nuit. Mouillée à quelques encablures mais cachée par un
catamaran, nous n’avions pas remarqué sa présence. Rendez-vous est pris pour
une conviviale soirée à bord du véloce centurion. A notre arrivée, Alain, le
skipper-propriétaire, l’œil malicieux, nous énonce les us et coutumes pratiqués
sur son voilier ; les deux personnes en charge du lavage de la vaisselle
se tirent aux cartes, à l’issue du repas pour ne pas couper l’appétit des
malheureux élus. Les invités ne sont pas exclus de ce jeu de chance ou de malchance !... Effectivement une petite boite en bois fait son apparition sur la
table. D’une main innocente, je
mélange les cartes et en distribue une à chaque convive. Deux cartes identiques
et les gagnants sont désignés. Christian a le privilège d’en faire partie.
Après une plongée sous la coque de Philéas, une petite plonge en compagnie de
Nathalie, maître coq2, pour
clôturer la journée, quoi de plus naturel !
Mardi 28 octobre, 08h00, nous appareillons pour Arrecife, capitale de l’île
de Lanzarote et lieu du premier
regroupement de la flottille MédHermione avant sa progression vers le Cap Vert.
Coucou de Brest. Je suis mamie d'une petite Cassandre depuis le 25 octobre à 02h00 du côté de Wilfried.
RépondreSupprimerMaintenant ça ira mieux pour vous d'avoir un membre de plus dans votre équipage. Bonne continuation pour votre périple.
Gros bisous