Pendant que nous musardions d’île en île les jours se sont égrenés
inexorablement. L’automne s’est installé à notre insu ; il est grand temps
de se rapprocher de Gibraltar. La sagesse du marin l’emporte sur l’envie du
touriste.
Pour la seconde fois Cartagène ne sera pour moi qu’une
ville fantôme, une utopie. Nous mouillons néanmoins le temps d’une nuit
complète de sommeil au large de la plage Subida, mouillage bien abrité
recommandé par des navigateurs anglais en 2008.
Contre fortune bon cœur (enfin surtout pour moi) nous mettons le cap au
sud. La visibilité est réduite et une pluie fine persiste. Les cartes nous auraient-elles
menti ? Serions-nous en Bretagne ?
La mer est bien formée, des creux de 2 mètres bousculent violemment
Philéas. Tenir un cap vent arrière dans de telles conditions relève de la
gageure. Nous manquons d’empanner2 plusieurs fois ; la houle ne
permet pas de garder un cap régulier. A l’intérieur de Philéas, nous nous
essayons d’un pas incertain et maladroit au tango.
Las de cette situation inconfortable, nous affalons la grand-voile,
enroulons le génois et faisons route sous trinquette3. Les
mouvements deviennent moins brutaux et Philéas file tout de même 6 à 7 nœuds
avec des pointes à 8 nœuds4.
En début d’après midi, AlexMarie, un des voiliers de la flottille
MedhHermione, tente un contact radio. Nous l’entendons « fort et
clair » mais il ne nous reçoit pas. Son antenne VHF5 doit être
plus puissante que la nôtre. Dommage nous n’aurons pas de vacation radio
aujourd’hui6.
Un peu avant l’aube, le vent tombe pour devenir insignifiant, en Méditerranée
il ne connaît pas de juste milieu. Fort heureusement la mer s’assagit, les
moutons font place aux vaguelettes. Rien n’est plus terrible qu’une mer bien
formée sans vent. Le bateau est alors balloté, le roulis et le tangage
deviennent un vrai supplice pour les estomacs. L’accalmie annoncée a au moins
24 heures d’avance sur les prévisions ; Eole a décidé d’un repos
dominical, ce qui ne nous sied guère ! Nous avons parcouru la moitié de la
distance nous séparant de Gibraltar. Notre vitesse chute et notre heure
probable d’arrivée est retardée. La navigation à la voile requiert de la
patience, mot inconnu du vocabulaire de la génération actuelle du « tout,
tout de suite ».
La visibilité reste médiocre sur cette autoroute de la mer, moult bateaux
croisent notre route. La nuit surtout l’attention du veilleur est à son
paroxysme et la tension monte lorsque cargos ou paquebots se dirigent droit sur
nous, petit voilier. Contactés par VHF5, ils font souvent la sourde
oreille, ignorant le risque de collision avec une coquille de noix. Nous enrageons et maneouvrons pour les
éviter, opération pas toujours aisée sous voiles.
Cette zone poissonneuse attire de nombreux dauphins. Les uns passent leur
chemin rapidement mais la majorité joue avec Philéas ; ils plongent sous
l’étrave, partent, reviennent. En fin d’après-midi nous avons le plaisir d’assister à un ballet aquatique d’une
quinzaine de minutes.
Une nouvelle nuit de veille s’annonce, la circulation s’intensifie encore à
l’approche de Gibraltar. Au lever du jour la mer est d’huile, la luminosité
reste blafarde et la visibilité est inférieure à 1 nautique. Nous avons
l’impression d’évoluer dans du coton. La vie animale n’est pas pour autant
endormie ; les goélands sont en quête de leur petit déjeûner, les poissons
sautent pour échapper à leurs prédateurs, les thons émergent de l’eau et jouent
à saute-moutons. Nous n’avons jamais vu autant des bandes de dauphins autour de
nous.
Gibraltar est dans son petit
chausson, les températures ont fraichi !
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Lundi 29 septembre, fin de matinée nous arrivons enfin à Gibraltar après 48
heures de navigation.
le rocher de Gibraltar, amer bien connu des navigateurs |
Si vous souhaitez en savoir davantage sur Gibraltar, je vous invite à consulter l'article posté sur ce blog en 2011 :
2011 - octobre : 2 - En route vers Gibraltar 2011
Bonne traversée, on vous suit en lecture ! Les KALINU
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