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samedi 27 septembre 2014

FLANERIES EN QUATRE TEMPS


L’été indien génère une envie de flâneries ; les températures sont encore élevées en journée et l’eau du bain atteint 28 à 29 degrés. L’équipage se laisse gagner par cette atmosphère  agréable ; Phileas le promène d’île en île : Minorque, Majorque, Ibiza puis Formentera.

Samedi 20 septembre -  Puerto de Soller (Majorque) est encore très animé en cette fin de saison. La veille, un orchestre où se produisaient chanteuses et chanteurs locaux a agrémenté  notre soirée au mouillage ; pas du bruit à rendre sourd, non, non, de la musique, de la vraie ! 
Puerto de Soller est relié par un tramway antique, à Soller, littéralement « vallée dorée ». Cette ville majorquine fut longtemps réputée pour ses oranges et ses citrons qui étaient exportés dans des balancelles, petits navires à un seul mât. Aujourd’hui encore les oranges y abondent. Lors de nos passages en mai puis en juin 2013, elles étaient de tous les étals. En septembre 2014 elles sont encore là. Rassurez-vous ce ne sont pas les mêmes… Le jus en est toujours aussi exquis.

Le séjour est bien doux ici. Cependant il est temps de partir pour Ibiza située à 82 milles à vol d’oiseau. A défaut d’ailes et de vent portant1 nous devrons tirer des bords2 pour atteindre notre destination.

20h00, quel drôle d’horaire pour appareiller ! Le charme de Puerto de Soller nous a retenus quelques heures supplémentaires. En journée tirer des bords peut devenir vite déprimant, la côte semble inaccessible, tantôt proche tantôt lointaine. Dans l’obscurité cette impression démoralisante nous est épargnée. 19 heures plus tard, vers 15h00, nous cessons nos zigzags pour mouiller sur fonds de sable à la Cala Llonga, côte est d’Ibiza. Nous avons parcouru 114 milles soit un tiers de plus qu’en route directe.

A nous le repos et la baignade ! Philéas, salé et surtout nappé de sable, patientera jusqu’à demain pour un lessivage à la marina d’Eivissa. Les pluies sporadiques qui auraient dû rincer pont et cockpit les ont en fait colorés d’un maquillage marron peu seyant.

Ibiza, la plus ouest des îles des Baléares s’étend sur 40 km de long et 25 de large. La partie nord et l’extrémité sud-ouest présentent un relief accidenté. Les falaises sont coupées de nombreuses criques. Les promoteurs, comme trop souvent hélas en Espagne, ont fait appel à des architectes au sens esthétique pour le moins douteux  pour y faire croître des hôtels et des résidences d’une laideur remarquable. Ibiza qui accueille chaque été des hordes de touristes, est surtout réputée pour attirer des jeunes (et moins jeunes) avides de boites branchées.

Lundi 22  septembre, temps orageux, visibilité réduite, nous accostons au club nautico pour nous refaire une beauté. Tuyau d’arrosage, balai brosse, éponges sont de sortie. Mais bientôt des trombes d’eau s’abattent sur nous. Fin de l’opération propreté. Du moins pour aujourd’hui : la pluie durera jusqu’au lendemain.
Notre passage au bureau de la marina nous rappelle la situation économique difficile de l’Espagne. Notre porte-monnaie va s’en souvenir ; depuis notre passage en 2011 les prix se sont envolés, ils ont doublé et la TVA est passée de 14 à 21 %…

Le beau temps est de retour avec Abalone arrivé vers 2 heures du matin après une escapade à l’île de Cabrera. Les prévisions météo annoncent un vent portant1 pour rejoindre Carthagène, à partir de jeudi. Nous disposons de deux jours pour découvrir Formentera, la plus méridionale des quatre îles des Baléares.

    Ile vedra, îlot rocheux accore (pic 382m). Elle a été le lieu de tournage pour le film Bali Hai, cadre censé être situé dans le Pacifique Sud.
 Ile Vedranell (125 m) et les passages vers Ibiza.


Plus petite qu’Ibiza et aussi moins développée que sa grande sœur, Formentera ne mesure que 18 km de long pour 15 de large mais avec sa forme de S allongé elle ne couvre que 95 km2. Au nord se trouve une plaine basse dont la majeure partie est formée de lagunes et de salines. Le nudisme sur Formentera est accepté depuis longtemps. Si vous êtes amateurs de baignade dans le plus simple appareil, c’est le lieu adéquat !

Salines

Après une bonne nuit de repos nous appareillons, route au Sud. Nous adoptons notre rythme de croisière pour les 36 heures à venir et progressons au grand largue 3. Les grains et les orages tournent autour de Philéas pendant mon quart nocturne mais nous évitent.  Je veille au grain « prête à envoyer le perroquet». En revanche Christian aura moins de chance ; il louvoiera pour leur échapper tout en composant avec les nombreux bateaux présents aux alentours. La relève est accueillie avec soulagement…

Nous évoluons dans une zone de navigation très fréquentée ; des cargos croisent continuellement  notre route. Une veille attentive est de rigueur, notre AIS5 récemment installé me seconde à merveille.


En fin de matinée,  alerte,  la ligne que j’ai mouillée  une heure  auparavant  « a fait mouche ». Tout en la relevant j’appelle Christian à la  rescousse.  A peine sorti des bras de Morphée, il arrive,  grognon,  avec l’épuisette  et  un seau. En ce vendredi,    traditionnellement   le jour du poisson,  nous  allons pouvoir nous délecter de notre première pêche : une belle dorade coryphène accompagnée par un petit vin blanc offert par  Maëla et Yves  sur le ponton  le jour de  notre départ  de Toulon. Les consignes  laissées  sur la  bouteille étaient  précises : « A ouvrir avec le premier mahi mahi pêché ! »



Une heure après cette prise, des invités surprises font de la natation synchronisée autour de Philéas ; ils plongent pour une inspection de coque, remontent, sautent… Une dizaine de dauphins nous saluent et nous souhaitent une bonne navigation dans les eaux espagnoles. Muchas gracias amigos, hasta pronto6 !



1 Vent portant : vent soufflant d’un secteur de l’arrière. 
2 Tirer des bords : A la voile pour aller d’un point A à un point B, il n’est pas toujours possible de naviguer en route directe, le bateau ne peut progresser à moins de 45° du lit du vent. Il faut louvoyer, c’est à dire tirer des bords. Le chemin à parcourir est beaucoup plus long. « Au louvoyage, deux fois la route, trois fois le temps, quatre fois la rogne ! » disaint-on jadis.
3 Grand largue : une des allures du vent portant qui sont le « vent arrière », le « grand largue » et le « largue ».
4 Perroquet : il ne s’agit pas de l’oiseau des îles mais d’une voile carrée qui se trouvait en haut des huniers sur les mâts de misaine et d’artimon et sur le grand mât à l’époque des grands voiliers.
5 AIS : système d’identification automatique qui permet de connaître l’identité, le statut et la position des navires aux alentours, mais qui permet surtout de prévenir d’un risque de collision.
6 Merci les amis, à bientôt !


samedi 20 septembre 2014

PHILEAS FAIT L’ECOLE BUISSONNIERE


Notre traversée débute sous de bons auspices ;  le vent de secteur sud sud-est, force 2 à 31, fait preuve de clémence envers l’équipage en période de réadaptation. Philéas file 5 à 62 nœuds vers le sud-ouest.
Avant l’appareillage nous avions envisagé une première nuit au mouillage pour nous garantir un bon repos avant d’assumer nos 6 heures de quart nocturnes. Les derniers jours de préparatifs notre capital sommeil a été fortement entamé. Mais finalement nous répugnons à gaspiller un vent aussi favorable et changeons d’avis. Le vent en Méditerranée n’est connu ni pour sa constance, ni pour sa mesure. « Mieux vaut un tien que deux tu l’auras ». Nous devrions gagner une cinquantaine de milles avant l’accalmie annoncée pour jeudi par les prévisionnistes.

20h -02h du matin – Premier quart de nuit

La mer est un vrai sapin de Noël ! Philéas est encerclé : des feux de navigation tous azimuts. Un exercice militaire regroupant une grande partie de bâtiments de la force d’action navale et des navires étrangers se déroule depuis ce matin en Méditerranée.
Le vent forcit quelque peu, Philéas accélère sans doute pour échapper à ses poursuivants….
Minuit, la fatigue s’immisce puis m’accable pendant mes deux  dernières heures de quart. Une lutte titanesque est déclarée. 2 heures du matin, la relève salvatrice met fin au combat, faute de combattants.
Christian n’est pas épargné par l’appel grandissant du sommeil : 6 heures de veille demandent de l’énergie et de l’endurance. Nous avons largement puisé dans nos réserves ces dernières semaines.

Mercredi 17 septembre – 1 h du matin : Branle-bas

Eole, taquin, choisit l’obscurité pour appuyer sur l’accélérateur. Christian quitte sa bannette en pestant contre les éléments qui n’ont pas la décence d’attendre l’heure de la relève. Le génois3 est enroulé. Nous prenons deux ris4 dans la grand-voile et envoyons la trinquette. Bien entendu la mer nous gratifie d’une thalassothérapie bien fraîche. Ah les joies des manœuvres au pied de mât ! Les automatismes se remettent en place.
La météo espagnole diffuse un avis de vent fort. Les prévisions du départ auraient-elles radicalement changé ? Prudence nous sommes en Méditerranée. Changement de programme pour Philéas, une escale à Fornells sur l’île de Minorque est décidée. L’équipage pourra s’y ressourcer. Au petit matin nous prenons un corps mort5 et allons…dormir satisfaits de nos 210 premiers milles.

Jeudi 18 septembre – 08h00 – Appareillage

Des cris et de grands gestes attirent notre attention ; Gilles, skipper d’Abalone, arrivé hier en soirée, soit une douzaine d’heure après Philéas, a pris une bouée non loin de nous. Ses deux équipiers dorment encore et récupèrent des conditions de navigation agitées. Après le départ du Club Nautique Gilles avait opté pour une première nuit de repos au mouillage avant de faire route.

19 septembre : A la conquête de l’Ouest – Matinée de pétole

Faute de vent nous  sortons, à contrecœur, notre atout : la brise Volvo !

Las d’attendre le retour du vent nous mouillons Cala de la Calobra pour la pause déjeuner, cala décrite comme spectaculaire par le guide Imray. Plusieurs anses se rejoignent par trois petits tunnels éclairés. Un ravin, creusé dans les hautes falaises par le ruisseau tranquille Torrente de Pareis, est visible du nord de la plage. L’eau turquoise appelle le baigneur. Je plonge et pars explorer ce site réputé de Majorque. Ruisseau tranquille, bel euphémisme, l’eau y est rare !
J’emprunte les trois tunnels successifs et passe d’une anse à l’autre. En contrebas Philéas vient de trouver un grand frère, un RM 1060 :  Fils du Vent.  Serait-il en train de négocier un petit souffle avec son nouveau compagnon ?
Nous sympathisons avec Romain et Hélène autour d’un café et nous donnons rendez-vous dans quelques heures à Porto Soller.
Joueur, Fils du vent se met à la poursuite de Philéas. Nous entamons une partie de « rattrape- moi si tu peux » jusqu’au mouillage, à 7 milles de là. Philéas plus lourd et surtout plus lourdement chargé tire bien son épingle du jeu : l’équipage aura droit à la demi double pour le tiers de quart6.




1  Vent de force 2 : 4 à 6 nœuds (6 à 11 km/h) - force 3 : 7 à 10 nœuds (12 à 19 km/h) 
2  Vitesse 1 nœud = 1 mille à l’heure soit 1.852 km/h
3  Génois voile d’avant plus grande en superficie que la trinquette
4  Prendre un ris : opération consistant à réduire la surface de la voile. Sur Philéas toutes les manœuvres se font en pied de mât.
5  Corps mort : bouée d’amarrage.
6 Demi double pour le tiers de quart : Lorsque le commandant était particulièrement satisfait d’une manœuvre, il octroyait une récompense à la fraction de quart (tiers ou bordée) qui l’avait effectuée : augmentation de la ration d’alcool.



lundi 15 septembre 2014

MEDHERMIONE - PHILEAS APPAREILLE


17 heures le 15 septembre 2014,  soit  trois semaines après la date prévue, Philéas et son équipage réduit, le skipper et l'armateur, larguent enfin les aussières. Des problèmes imprévus ont imposé quelques travaux supplémentaires de maintenance.
Au terme de préparatifs longs et méticuleux, nous nous dirigeons enfin vers la porte grande ouverte de la liberté. Le bleu va devenir notre quotidien du lever au coucher du soleil. Pas  le grand bleu pour débuter : l'eau est un peu fraîche pour nos corps encore délicats mais le bleu de la mer, et  du ciel (nous les espérons bleus et non gris).

Médatlan fait figure de mise en jambes au regard de ce qui nous attend. L'organisation du rallye MédHermione et ses préparatifs plus conséquents se sont avérés bien plus fastidieux à gérer. En 2011, Médatlan représentait un projet d’envergure, un défi extraordinaire pour nous, les bizuths de cette traversée océanique initiée par le club nautique de la marine à Toulon.

Avec Médhermione -12 mois de voyages et d'aventures en tous genres- nous passons à la vitesse supérieure. Notre petite expérience est plutôt rassurante. Nous appréhendons plus sereinement la traversée de l'Atlantique, du moins dans le sens est-ouest. En revanche les étapes qui amorceront le retour, Halifax vers St Pierre et Miquelon en juillet 2015 puis vers les Açores,  risquent d'être assez musclées. Quelques séances sportives imaginées par l'association des G.O. locaux : Eole, surentraîné en fin de saison, son acolyte Poséidon, promoteur de montagnes russes, et les grands bancs, drapés dans leurs brouillards tenaces,  ne sont pas à exclure ! Mais d'ici là nous serons amarinés et de bons moments sont inscrits au programme pour les mois à venir : soleil, baignades, navigations exotiques nous permettront de supporter  les caprices que la météo s'octroiera (hydro-jets à l'eau de mer, hydromassages surprises).  Nous espérons couler des jours agréables, pas forcément tranquilles car Neptune a ses raisons que la raison ne connaît pas.  Entre les îles de l'arc antillais,  la mer est rarement d'huile, contrairement aux clichés véhiculés par les voyagistes.

Les 11 et 12 octobre, la ville de Toulon et le club nautique de la marine feront honneur aux Médhermionistes, enfin à une poignée d'entre-eux (6 voiliers sur les 17 participants) qui  représenteront la flottille. 11 irréductibles n'ont pas résisté à l'appel du large et ont largué les amarres en avance de phase. Un choix  justifié par l'envie de flâner avant le regroupement de la flottille à Lanzarote, aux îles Canaries. Ce temps glané devrait notamment nous permettre d'adapter nos périodes de navigation à la météo. Pourquoi subir le mauvais temps si aucune contrainte ne le justifie ?

Philéas n'est pas le premier à laisser Toulon derrière lui. En ce début du mois de septembre les appareillages se succèdent, AlexMarie depuis le Canet  du Roussillon (actuellement en escale aux Baléares), Atène et son équipage familial suivi par Teranga samedi après midi. Abalone et Philéas ont synchronisé leurs jour et heure de départ. Nous retrouverons probablement l'un ou l'autre au hasard d'une escale. 

Notre intention est de rejoindre Carthagène sans faire escale aux Baléares, si le vent nous est favorable bien entendu, puis de faire route vers Madère avec un arrêt à Gibraltar. Le skipper voue une affection particulière à cette ville très "british".



Nous vous donnons rendez-vous à Carthagène.