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lundi 28 septembre 2015

LE RETOUR : LA BOUCLE EST BOUCLEE


A Gibraltar Patrice et Nathalie arrivent au terme de leur voyage. Nous les retrouverons dans une dizaine de jours à Porquerolles. Sans traîner à l’issue d’une seule journée d’escale assez dense consacrée à la logistique et à une rapide balade de la ville nous appareillons, en équipage réduit cette fois.

La remontée de la côte méditerranéenne ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Nous n’avons cependant plus le temps d’attendre une fenêtre météo plus favorable. Notre navigation est largement marquée par des conditions bien souvent pénibles, pénibles : instable et versatile, la réputation d’Eole de ce côté de Gibraltar se confirme une fois encore. Tout ou rien, point d’équilibre !  Très vite des vents contraires nous contraignent à tirer des bords encore et encore. Le passage du Cap de Gata est laborieux. Nos quarts nocturnes de 6 heures commencent à se faire ressentir. La nuit la côte semble ne jamais défiler, tantôt sur bâbord, tantôt sur tribord. De nombreux cargos croisent notre route et exigent une veille attentive. Les illuminations  à outrance des villes côtières constituent un vrai fléau pour distinguer les feux de navigation des bâtiments  des lumières citadines. Enfin après trois jours de mer dont deux à louvoyer et 78 nautiques de détour nous touchons Carthagène.

Peu avant le chenal d’accès au port, une vedette de la « Guarda civil » file sur nous et nous somme de nous arrêter. Elle se présente à couple de Philéas et un agent monte à bord pour vérifier nos identités, carnet de navigation et assurance…  Philéas et son équipage ne sont pas hors la loi. Nous reprenons notre route et cette fois sommes accueillis par un marinero du Yacht Port de Carthagène, prêt à recevoir nos aussières.

Moins d’une heure plus tard un policier se présente sur le quai pour un nouveau contrôle. Que se passe-t-il donc dans ce pays ? Une phobie d’invasion ?    La vague d’immigration en provenance de Libye et de Syrie en est probablement la cause. Enfin, peut-être ?

La marina dispose de nombreuses places disponibles, le personnel est avenant et attentif à nos besoins. Nous apprécions.  

Carthagène fait partie de la communauté autonome de la région du Murcie, située au sud-est de la péninsule ibérique. Son territoire municipal couvre 5 fois la superficie de Paris intra-muros. Elle est aussi l’une des principales bases navales du pays (avec Rota et Ferral).

Théâtre romain
Mais surtout à Carthagène, ville fondée en 227 avant J-C par Hasdrubal le beau, 2500 ans d’histoire sont omniprésents. Le théâtre romain de Carthago Nova construit à la fin du 1° siècle avant J-C, récemment restauré, est le plus grand de la péninsule après celui de Merida. Une couverture moderne et translucide protège les restes de la cité romaine. Les amateurs d’histoire sont gâtés : ici l’Augusteum, temple dédié à l’empereur Auguste, là, la nécropole du Bas Empire romain ou encore la muraille punique, construction défensive réalisée au II° siècle avant J-C.

Palais de l'Aguirre

La ville concentre de nombreux vestiges d’époques carthaginoise et romaine, des forteresses et d’édifices d’époques moderne et néo-classique. Le centre-ville est classé historico-artistique, en particulier l’ensemble d’immeubles bourgeois du XIX siècle et début du XX° siècle comme le Palaccio de l’Aguirre (1900), le Gran hôtel Victor Beltri (1916) ou encore le palais du consistoire (1907).
Si Carthagène abrite des trésors, je quitte cette ville de haute réputation historique déçue. Je ne la sens pas vibrer, ni même simplement vivre. Je déambule dans une cité sans âme. Les façades de nombreux bâtiments sont décaties et ne tiennent que grâce à des échafaudages tuteurs installés pour les soutenir. J’ai presque l’impression d’être de retour à La Havane ! La crise est passée par là, c’est certain. Les rues commerçantes n’ont plus de caractère, les grandes enseignes de Carthagène ressemblent à celles de n’importe quelle autre ville. Rares sont les petites boutiques, rares sont les boucheries de quartier. Je me faisais une tout autre idée de Carthagène…

Belles façades
Moins d’un jour après notre appareillage de Carthagène, nous avons recours à la brise Volvo, faute de vent.  Peu après ma prise de quart du matin, de violentes vibrations me font bondir. Je débraye l’hélice immédiatement mais…trop tard. Elle a croisé le chemin d’un filet dérivant, peut-être toujours engagé. Christian plonge et…. le verdict est tout autre. L’hélice est dégagée mais elle a un jeu d’une amplitude anormale. Avarie d’hélice, la journée commence bien ! Nous ne pouvons plus compter que sur nos voiles. Si au moins nous avions du vent. Mais non, un petit force 2, dans le meilleur des cas un petit 3. Bon cela pourrait être pire. Et, le pire arrive peu avant minuit, plus un souffle et une mer bien formée. La Grand-voile claque, la bôme est amarrée pour limiter les mouvements brutaux générés par la houle. Rien à faire. Impuissants nous affalons tout, Philéas n’est plus appuyé par sa toile. Sans erre, il est ballotté au gré des vagues impitoyables.  A l’intérieur, casseroles, vaisselle, ustensiles entament une danse saccadée et hystérique dans les placards. A la relève de quart de 2 heures du matin la situation n’a pas évolué d’un iota. Pendant 9 heures nous restons encalminés, un œil sur le trafic maritime dense. Coïncidence malheureuse, notre abonnement IRIDIUM vient juste d’échoir. Nous sommes coupés du monde, certes, mais surtout des informations météorologiques que nous téléchargions par satellites et trop loin des côtes pour capter la météo sur la VHF. Nous ne sommes absolument pas manœuvrant et surveillons qu’aucun cargo n’ait une route de collision  avec nous. Pendant la nuit profonde Christian entend un souffle régulier  puis aperçoit une masse sombre s’approchant de Philéas. Elle en fait le tour, puis un deuxième et disparaît dans la nuit. Un cétacé, une baleine probablement intriguée par la silhouette de cet animal marin à 2 jambes(1).   Enfin, en milieu de matinée le vent cesse sa grève. Il nous reste encore 262 nautiques mais Eole, capricieux, a décidé de ne pas s’établir durablement. Bienvenue en Méditerranée.  5ème nuit en mer, nous devrions être arrivés ! Le scénario se reproduit, Eole récidive et fugue  dès 22h00 cette fois. Cette dernière ligne droite après quelque 14 000 nautiques parcourus est décidément semée d’embuches.

Belle prise
Nous avons cependant la satisfaction de pêcher, la veille de notre arrivée, peu avant la tombée de la nuit, un magnifique thon d’environ 8 kilos. Dommage les amis ne sont pas encore à proximité pour en profiter. 8 kilos à 2, c’est pantagruélique ! J’en prépare une partie dans un mélange sucre-sel, recette nordique transmise par un navigateur rencontré aux Açores.    



A l’approche des côtes nous captons un bulletin météo spécial annonçant un coup de vent. Il est à nos trousses mais nous avons tout de même quelques longueurs d’avance. Si Eole ne nous trahit pas une fois de plus, nous devrions l’éviter…

Nuages et coucher de soleil en mer
Le 15 septembre, un an jour pour jour depuis notre départ de Toulon, la silhouette de Porquerolles se dessine devant nous. La visibilité est très médiocre, des nuages obscurcissent le ciel. Où est donc passé l’été ? Soulagement, le coup de vent est encore derrière nous. A 22 h 00 par une nuit sans lune, nous approchons de la pointe de l’Alicastre. Nous discernons droit devant Philéas de nombreux feux de mouillage, bien insuffisants pour illuminer le plan d’eau. Nous  jetons l’ancre devant la plage Notre Dame sans nous en approcher davantage. Sans hélice, il 
nous est impossible de battre en arrière pour faire tête. Par sécurité nous mettons l’alarme du GPS, si notre ancre chasse nous serons prévenus.


Malgré l’heure tardive, nous relâchons notre tension autour d’un ti-punch, parfum  des Antilles, et trinquons aux 13 981 nautiques(2)  parcourus en un an,  aux 14 pays et leurs dépendances visités(3) dont 10 états des Etats Unis(4)

Philéas a pris le chemin des écoliers et est le dernier à rejoindre le pays…

Rassemblement à Porquerolles

En ce troisième weekend de septembre, trente voiliers investissent les postes d’amarrage situés le long de la digue de la marina de Porquerolles : dix voiliers MédHermionistes entourés de vingt  sympathisants membres du club nautique de la marine à Toulon.  Notre circumnavigation s’achève par un ultime regroupement de la flottille auquel familles et amis sont conviés.   


Du séminaire de clôture de cette  belle aventure il ressort que 221 personnes se sont laissées séduire par MédHermione, la plupart ont participé à une voire plusieurs phases.  Seuls treize irréductibles ont effectués la boucle complète. Des 15 voiliers engagés, 7 seulement ont mis le cap vers l’Amérique du Nord pour aller saluer leurs concitoyens Saint Pierrais. 

Vue plongeante depuis le fort du Lan

Retrouvailles, pique-niques avec les familles et les amis, déjeuner convivial aux allures de repas de communion, visite privée du fort du Langoustier guidée et commentée par son propriétaire et débriefing de MédHermione par son commodore, ces trois jours porquerollais sont vécus par Philéas qui n’a pas encore rejoint son port base, comme une dernière escale.


Dimanche 20 septembre, 13h30 les dix voiliers MédHermionistes, grand pavois hissé et pavillons des différents pays visités arborés dans la mature, embouquent la grande passe de la rade de Toulon. De nombreux sympathisants se joignent à la parade et escortent la flottille jusqu’au parvis de l’Amirauté. Un comité d’accueil se presse sur le quai et réceptionne les aussières des vagabonds des mers. Le quotidien Var Matin a dépêché une équipe de journalistes pour couvrir l’évènement. Les interviews se succèdent et font la une de l’édition du lendemain. La synthèse des propos recueillis n’est pas toujours fidèle aux récits des MédHermionistes et le style hasardeux du rédacteur surprend.



Faire partager le vécu d’une année de  pérégrinations est une gageure. Le pouvoir des mots a des limites ; les sensations et les émotions se vivent. « Raconter » nos expériences permet néanmoins d’offrir à la famille, aux amis et aux sympathisants un aperçu de nos découvertes, de ce qui nous a fait vibrer pendant ces douze mois.


Parvis amirauté

Parvis de l’Amirauté, en présence d’officiels, Hubert, notre président et commodore de l’expédition se lance dans un discours à l’américaine.  A l’attention de notre comité d’accueil, Hubert présente la synthèse de nos navigations outre-Atlantique, des moments forts de notre périple, des expériences maritimes certes mais aussi humaines. A leur tour, le Préfet Maritime et le Maire de Toulon prennent la parole et saluent les MédHermionistes, leur constance et leur audace.


Après une année à barouder sur l’eau, le retour sur terre  s’avère difficile. Nous  nous sentons  étrangers à toutes ces  turbulences qui nous entourent et plus du tout en  adéquation avec ce monde retrouvé ; nous avons pris du recul, nous avons appris à nous libérer des contingences matérielles inutiles, des préoccupations futiles. Nous retrouvons un univers renfermé sur lui-même, des concitoyens aigris, des commerçants parfois peu aimables. Bienvenue au pays des lamentations ! Les Cubains et les Haïtiens étaient-ils mieux lotis que ces malheureux Français toujours insatisfaits ?


Nous conservons néanmoins  un moral d’acier et nous avons encore bien des projets à l’étude dans notre escarcelle. L’aventure n’est jamais terminée, les voyages forment la jeunesse…  

En haut trajet Canada vers Gibraltar - En bas trajet Gibraltar vers Toulon










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(1)     Philéas a deux quilles.
(2)     1 nautique équivaut à 1851 m.  13 981 nq correspond donc  25 893 km.
(3)     Pays et dépendances visités
-          Espagne : Baléares (4 îles : Minorque – Majorque – Ibiza et Formentera)            -
-          Espagne : La Linea et Carthagène.
-          Espagne : Canaries (2 îles : Graciosa et Lanzarote)
-          Gibraltar  GB
-          Portugal : Archipel de Madère (2 îles : Porto Santo et Madère) - 
-          Portugal : Açores (5 îles : Florès – Faial – Sao Jorge – Terceira et Santa Maria) -
-          Cap Vert (4 îles+ 1 : Sal – Sao Nicolao – Santa Lucia et Sao Vicente + Sao Antao sans Philéas)
-          La Grenade (2 îles :  Grenade et Cariacou)
-          Les Grenadines (4 îles : Union – Tobago cays – Canouan et Bequia)
-          Ste Lucie
-          France : Martinique
-          France :Guadeloupe – Marie Galante – Les Saintes– Iles de la Petite Terre
-          France :  St Barth
-          France : St Martin
-          France : St Pierre et Miquelon
-          Porto Rico (3 îles : Porto Rico – Culebra et Vieques)
-          Haïti (île à Vache)
-          Jamaïque
-          Cuba et ses nombreuses îles
-          Etats-Unis (une vingtaine d’escales dans 10 états)
-          Canada (Nouvelle Ecosse et Cap Breton)

(4)     Etats visités :
-          Floride (Key West et Miami)
-          Caroline du Nord (Beaufort)
-          Delaware
-          Virginie (Norfolk – Yorktown)
-          Washington DC (sans Philéas)
-          Maryland (Annapolis – Baltimore)
-          New Jersey (Cap May)
-          New York (New York et New Rochelle)
-          Connecticut (Newport)
-          Massachussetts (Plymouth et Boston)








vendredi 18 septembre 2015

CONCERTS INSOLITES EN EXCLUSIVITÉ


Notre première soirée à Lajès de Florès est saluée par une symphonie baroque que nous avons déjà entendue … en 2012 : melting-pot  indéfinissable de voix humaines (tchatches peut-être) - animales, (zinzinulements, chuchètements, pépiements, babilleries ou cacabements,  non pas du tout,  le chant entendu relève plutôt de caquetages ou de cancans nasals), un mélange  difficile à décrire !


quelle envergure !
Les mélomanes en sont les oiseaux les plus symboliques des Açores : les cagarros, sorte de puffins cendrés, parents de l’albatros. Ah l’albatros ! Nom évocateur pour moi du poème de Baudelaire. Si je n’ai jamais eu la satisfaction de croiser ces « vastes oiseaux de mer, rois de l'azur », peut-être pourrais-je croiser le chemin de leurs cousins, les cagarros ? Mais non, quoique d’une envergure notable, près de deux mètres, ils  restent paradoxalement difficiles à observer ! A défaut de les voir, je les entends lors d’insolites concerts nocturnes…à Lajès de Florès d’abord puis à Velas (Sao Jorge).

cagarro
Ces oiseaux fréquentent les Açores en été, généralement de mars à octobre, leur départ marque la fin de la période estivale, comme la fin du stridulement des cigales annonce le déclin de l'été en Méditerranée.
Le Cagarro pond un seul œuf vers le mois de mai, l’incubation dure 55 jours, le mâle et la femelle se relayent en sessions de 2 à 5 jours. Le partage équitable des tâches dans le foyer ! L’éclosion  arrive fin juillet, le petit grandit ensuite très vite -10 fois son poids en un mois-. 

à chacun son tour de couver.... 
Fin octobre il est abandonné et doit alors quitter son nid. Son premier vol s’effectue de nuit, à la lueur des étoiles. De fait il peut être attiré par des lumières artificielles (maisons, voitures…) qui l’empêchent de s’orienter. Un grand danger qui tourne  parfois la catastrophe. S’il survit à cette épreuve, il peut vivre jusqu’à 40 ans environ. Sa maturité sexuelle est atteinte à 8 ans. Il retourne toujours pondre sur l’île où il est né.  





jeudi 10 septembre 2015

PHILEAS AUX ACORES


Brume persistante, visibilité nulle et vent inexistant passant Sud pour 1 à 3 nœuds, Saint Pierre semble s’opposer à notre appareillage et cherche à retenir davantage les   « mailloux(1) ». Qu’importe l’AIS(2) et le RADAR seront nos yeux et les brises diesel prendront le relais, avec parcimonie, en attendant le retour d’Eole. Il ne boudera pas sur 1200 nautiques sauf à être damné !

Quatre jours durant le brouillard perdure, d’intensité variable selon le moment de la journée. Eole paresse, fait des caprices et souffle peu. Tantôt sous voile, tantôt sous voile et moteur Philéas progresse cahin-caha. Nous avons en tête la carte des naufrages remise par Enrique le directeur du port de Saint Pierre et ne tirerions aucune gloire à y voir apparaître le nom de nos voiliers !  Les grands bancs de Terre Neuve ne sont pas un endroit de villégiature où s’attarder. Nous mettons quatre jours et quatre nuits à nous en extirper. Les températures de l’eau et de l’air reprennent de l’altitude. Le rideau se lève et gomme notre myopie. Notre vision dépasse enfin le bout de notre étrave. Les poissons volants réapparaissent, les océanites tempêtes frôlent de nouveau la surface de la mer à la tombée du jour, le soleil rend à l’Atlantique sa belle couleur bleue et les fonds abyssaux garantissent de l’eau sous les quilles(3)….. Si les poissons boudent encore nos lignes de traîne, réfrigérateur et cambuse encore bien garnis nous autorisent quelques délais pour savourer notre premier poisson cru ou notre premier sashimi.

La nuit une myriade d’étoiles illumine le ciel. Par mer plate elles se reflètent sur un plan d’eau lisse dénué de la moindre petite ride : un vrai miroir ! La voie lactée apporte la touche finale à ce tableau, parfait modèle des précis d’astronomie, tandis que les planctons bioluminescents réveillés par leur contact un peu brutal avec la coque jaillissent de chaque bord de Philéas : un vrai feu d’artifice naturel détonant de beauté. A la poupe Philéas laisse dans son sillage une large bande bioluminescente encadrée de multiples petits cercles blancs.

24 heures avant notre arrivée aux Açores, Eole sort enfin de sa léthargie et tourne au nord-est, la mer se joint à la partie et rend les conditions de navigation plus mouvementées. Cirés et bottes testent avec assiduité la salinité des embruns mais au moins nous filons.


Le 11 août, dix jours après notre départ de St Pierre, Florès se dresse devant nous mais le vent taquin nous refuse un accès direct à l’unique port de l’île. Nous tirons des bords avant d’embouquer la passe étroite bordée de rochers débouchant sur Lajès. A l’intérieur le ressac incessant ballote les bateaux amarrés aux catways(4), certaines aussières consentent(5). Pour notre première nuit à quai nous sommes bercés, parfois un peu brutalement. Mais qu’importe nous sommes à l’abri et heureux de retrouver les cinq autres voiliers de la dernière garde MédHermione. 

Le bilan de cette demi-traversée de l’Atlantique est plutôt positif ; le vent, certes, nous a souvent fait défaut mais aucun cyclone, aucune dépression ne sont venus chatouiller nos coques et nos gréements ni malmener les équipages.

Beauté sauvage
Depuis 2012, année de notre précédent passage, Florès a su garder son authenticité, sa nature encore vierge et exubérante. L’île aux fleurs regorge de trésors naturels et comble ses visiteurs. Les paysages rivalisent de beauté sauvage qui laisse sans voix. Lacs, cascades, piscines naturelles, flore abondante font de cette petite île un vrai joyau, encore préservé de la main destructrice des promoteurs immobiliers.
Seuls les hortensias ont perdu de leur superbe en ce mois d’août ; la période de floraison est écoulée et seules quelques boules encore bleues témoignent  de l’explosion florale passée. Florès doit son nom à la diversité de ses plantes, 850 variétés y abondent dont 56 endémiques : canas rocas, fort jolies bien que ruinant l’écosystème local, strelitzias, belladones, cubres –fleurs jaunes qui recouvraient l’île lors de sa découverte- pour ne citer que celles-là.

Poissons offerts par les pêcheurs de Florès
Impossible de parler des Açores sans insister sur la gentillesse, l’hospitalité et la serviabilité des Açoréens.  Comme bien souvent dans les îles Portugaises, les services sont rendus sans compter et avec empressement. Nous  y sommes d’autant plus sensibles que bien souvent les plaisanciers sont considérés comme une source de profits et l’amabilité est une option d’autant plus rare que le site est touristique.  En signe de bienvenue les pêcheurs de Florès côtoyés sur les quais nous offrent généreusement et à plusieurs reprises quelques poissons. « C’est la tradition ici à Florès » est leur réponse à notre étonnement.

Fresque MédHermione 

La mer s’est calmée et le fameux anticyclone des Açores a dompté le vent, un peu trop d’ailleurs ! Avant de laisser l’île aux fleurs à sa quiétude, nous immortalisons  notre passage à Lajès ; Marco du voilier Black Niboune a peint une fresque sur un mur de protection du port. Le nom des six voiliers de l’arrière garde vient compléter le tableau(6).



Lajès de Florès est aussi le lieu de débarquement d’Alain après 9 mois et demi passés à bord, 9 mois et demi  de compagnonnage et de souvenirs communs. Nathalie embarque à son tour avec sa bonne humeur et son éternel sourire. Après quelques jours consacrés au tourisme vert et aux plaisirs des yeux, l’équipage renouvelé appareille de Florès en direction du sud, à la conquête des Açores.    

Horta, sur l’île de Faial, est notre dernier lieu de regroupement avant le retour de la flottille à Toulon. Pour notre plus grand plaisir l’été açoréen nous offre un ensoleillement exceptionnel et des températures propices à la baignade. Les équipages s’affairent sur les pontons, effectuent des travaux de maintenance indispensables, les plus curieux s’adonnent au tourisme ou encore se retrouvent autour d’un verre chez Peter au mythique café sport. Henrique Azevedo a ouvert ce bar en 1918, ses descendants ont repris le flambeau ; José –dit Peter- en a fait un lieu mythique, un lieu convivial de rencontres, d’échanges, d’entraides entre marins.

Aujourd’hui l’emblématique Café Sport vit de sa notoriété mais l’esprit « Peter » n’est plus au rendez-vous. José Henrique, 3ème génération  a de toute évidence sombré dans des logiques commerciales. Si le Café  Sport a perdu son âme, les navigateurs s’y arrêtent toujours pour y effectuer un  pèlerinage ou par simple curiosité.



L’heure de l’appareillage a sonné pour cinq des six voiliers encore sur zone, pressés de rejoindre leur port base. Seul Philéas entend profiter davantage de la douceur de vivre de l’archipel et des paysages d’une grande beauté.

Pour davantage d’informations sur FLORES et sur FAIAL, consultant l’article de juillet 2012 de mon blog en cliquant sur le lien   : Archives 2012

Nous ne nous attardons pas à Faial que nous avons eu l’occasion de visiter en 2012 et mettons le cap sur São Jorge situé à 20 nautiques d’Horta. Toute en longueur -55 kilomètres pour 7 km de large- sa silhouette est facilement identifiable. L’île est une longue falaise parcourue sur toute son étendue par une route à 800 m d’altitude. Nous accostons dans le petit port de Velas. José, le maître de port, nous attend sur le quai prêt à réceptionner nos aussières. Son accueil est si amical que l’espace d’un instant, je me laisse à penser qu’il connaît déjà l’un d’entre nous. Mais non, José a naturellement le sens de l’hospitalité. La marina a un petit côté familial qui donne envie de s’y éterniser. Velas, ville principale de São Jorge, avec ses petites ruelles pavées ont un certain charme. Il est plaisant d’y flâner en observant les façades des maisons. Une  légende raconte qu’un jour, un navire pirate sombra dans les parages avec toute une cargaison de bougies dispersant sa cargaison flottant sur la mer. Le bourg en aurait tiré son nom : « la ville des bougies ».   
L’île est un paradis pour le marcheur invétéré comme pour le promeneur du dimanche. Des pâturages riches et verdoyants couvrent la quasi-totalité de l’île : hortensias, bruyères, fougères et belladones pour les fleurs, châtaigniers, pins, eucalyptus, hêtres, liquidambars, cryptomerias du Japon... Le cadre exubérant de São Jorge permet de découvrir des panoramas fantastiques, du sommet des falaises dont les flancs plongent vertigineusement dans la mer ou sur les fajãs, surfaces planes qui s’étendent jusque dans l’océan. 
Les fajãs, véritables symboles de l’île –on en compte 46 dont 30 sur la côte nord- sont issues des éruptions volcaniques du centre de l’île dont la lave s’est répandue sur la mer ou alors d’affaissement de terrain suite à des secousses sismiques. Elles ont été transformées en vergers fertiles, en champs de cultures d’ignames, de maïs, de légumes. Le café, le thé et les fruits tropicaux (bananes) poussent sur celles qui bénéficient de microclimats très favorables. 

Les fajãs sont particulièrement fertiles sur la côte Sud moins élevées et plus exposées au soleil. Sur la côte nord elles sont toutes petites et se situent au fond de ravins de plusieurs centaines de mètres de profondeur dont certains abritent des lagunes d’eau cristalline. La plupart de ces fajãs ont été abandonnées après le séisme de 1980. A l’est et à l’ouest s’ouvrent des précipices escarpés. De ces sommets dévalent des ruisseaux qui se transforment vite en impressionnantes cascades dont le saut atteint des dizaines de mètres avant d’exploser à la surface de l’océan. Ici et là des belvédères ont été aménagés pour goûter au charme des côtes escarpées  et des cascades qui dégringolent le flanc des falaises.
Piscine naturelle


A São Jorge tout est émerveillement pour les yeux. Plus loin des piscines naturelles comblent les amateurs de baignades dans un cadre sauvage, tantôt entre des massifs de pierres volcaniques, tantôt avec une vue extraordinaire sur les cascades.

Les paysages et la beauté sauvage de São Jorge resteront gravés dans nos mémoires et nos palais se souviendront longtemps du fameux fromage de l’île. Et oui les Français que nous sommes,  sevrés depuis plusieurs mois de vrais fromages, apprécient enfin la saveur d’un vrai fromage goûteux. Le fromage traditionnel pèse environ 10 kg. Il est obtenu à partir de 100 litres de lait de vache (lait entier non pasteurisé). Il sèche pendant un mois dans des caves naturelles puis pendant deux mois dans des caves d’affinage climatisées. Il existe aussi un fromage spécial plus âgé de 4 ou 5 mois au goût plus prononcé. 
Fromagerie Canada 
La production de l’île s’élève à environ 2 400 tonnes par an. Cependant les petites fabriques traditionnelles ferment les unes après les autres et se regroupent dans des coopératives pour des raisons de rentabilité. A l’issue d’une journée de tourisme bien remplie nous faisons un détour par la fromagerie familiale « Canada » pour en vérifier les horaires. Surprise, à pratiquement 20h00 le maître fromager est encore à la tâche. Avec plaisir il nous invite à une visite commentée de ses caves et nous fait déguster de généreux morceaux de son fromage à différentes phases d’affinage. C’est avec un petit fromage de 3,5 kg que nous quittons São Jorge en direction de Terceira, l’île voisine distante d’une cinquantaine de nautiques.  

Nous naviguons la nuit et arrivons au petit matin. La marina est remarquablement bien située, au pied de la ville dont le centre historique est classé au patrimoine de l’humanité depuis 1983 par l’UNESCO.

Angra do Heroismo se distingue tant pour avoir été la première ville au milieu de l’Atlantique, que pour son architecture remarquable. La cité se caractérise par son plan rigoureux tracé au XVI° siècle, un quadrilatère linéaire suivant le modèle d’architecture renaissance espagnole, scrupuleusement respecté depuis, -avec une orientation nord-sud pour s’abriter des vents dominants du quart ouest- ainsi que par son harmonie. Détruite à 80%  par un séisme de 23 secondes -7,8 sur l’échelle de Richter- il n’a fallu que 10 ans pour la remettre sur pied. Dans  sa zone historique presque toutes les constructions datent des XVII° et XVIII° siècles. 

Terceira  entourée d’une route circulaire principale est traversée par une multitude de routes secondaires. Comme dans toutes les îles des Açores, disposer, sans réservation, d’un véhicule en juillet et en aout relève d’une gageure ; le parc automobile n’est pas très important. La navigation à la voile sujette aux aléas de la météo ne se prête pas vraiment à l’anticipation de ce genre de besoin. Conséquence : nous devons attendre qu’un véhicule se libère pour parcourir les routes de Terceira et empruntons les bus locaux pour nous rendre à Biscoitos.

musée de Biscoitos
Dans ce petit village un musée très intéressant évoque l’histoire séculaire de la production de Verdelho et expose diverses antiquités relatives au travail de la vigne : cordes en nerf de bœuf, de baleine et en poil de queue de vache, pressoirs et tuiles de Marseille. Notre guide, passionné, nous relate l’histoire de la vigne à Biscoitos, des cépages locaux à l’importation des cépages des Etats-Unis moins bien adaptés au terroir açoréen et sujets à la philoxera, de la création par greffes d’une variété hybride plus résistante…. Notre guide est intarissable. Notre visite se termine bien entendu par une dégustation.

Biscoitos abrite aussi une vaste piscine naturelle, la baie des Colombes, située au milieu de couches de lave provenant d’anciennes éruptions volcaniques. Sur cette partie la plus sèche de l’île, de curieuses vignes les curraletas, poussent sur des terrains désolés grâce à des murets de pierres qui les protègent créant un microclimat. Elles produisent un vin qui ne titre pas moins de 14° et qui donne ensuite un apéritif doux à 17° soit un digestif parfumé à 19°, la liqueur Angelica.

Eglise de Sao Sebastiao
Le jour suivant, motorisés, nous poursuivons nos séquences découvertes et faisons une halte à São Sebastião, hameau réputé pour son église datant de la fondation du bourg -1509-. Remaniée jusqu’au XVI° siècle elle présente un portail et d’intéressantes fresques gothiques uniques aux Açores, découvertes en 1930.  Un petit restaurant, recommandé à juste titre par les guides touristiques, nous retient quelques heures pour la dégustation de plats typiques de Terceira. Le menu du jour affiche « soupe du Saint Esprit et Cozido », -sorte de pot au feu-  suivis de l’ « alcatra », viande cuite dans un four à pains pendant plus de 7 heures et en dessert excellent riz au lait. Dès le premier plat nous sommes rassasiés, le serveur insiste pour que nous goûtions l’« alcatra ». Comment refuser une spécialité locale, nous nous inclinons…  Et pour finir ce repas de communion il nous apporte le dessert avec un large sourire.

grotte de Natal
Plus  enclins à succomber à une sieste digestive qu’à faire du tourisme nous poursuivons néanmoins notre circuit vers l’intérieur de l’île. La route serpente au milieu de cryptomerias et de massifs d’hortensias. Nous parvenons à la grotte de Natal, tunnel de lave d’environ 700 mètres de longueur. Le centre de Terceira compte une quarantaine de grottes, certaines d’environ 100 mètres de profondeur et de plus de 4 kilomètres de long. La plupart sont fermées au public pour des raisons de sécurité.

fumerolles de furnas do Enxoffre

Je vous fais grâce de la description de tous les sites touristiques de l’île et  conclue rapidement par un aperçu de la « furnas do Enxoffre ». Un petit sentier rejoint des caves d’où s’échappent des fumerolles. Des volutes tourbillonnent dans un paysage au milieu de nulle part. L’herbe est jaunie presque brune pas endroit suite aux émanations de gaz.
 


Bien qu’en escale nous conservons toujours un œil sur les prévisions météo qui finissent toujours par nous dicter notre programme. En l’occurrence l’annonce d’un coup de vent contrarie la suite de nos projets. La sagesse l’emporte, nous décidons de faire l’impasse sur São Miguel et filons directement sur Santa Maria.

24 heures plus tard nous accostons à la petite marina de Vila do Porto située sur la plus petite île et la plus sud du groupe oriental, Santa Maria. Ce petit bout de terre de 17 km de long sur 9.5 km de large est une île de contrastes. Au centre la terre est  fertile, la côte nord constamment exposée au soleil est plus désertique, pas un arbre ne dispense son ombre et pas une vache ne trouverait à paître. Au Sud Est des piscines naturelles attirent les estivants tandis qu’au sud, à Praia une plage de sable …blanc est réputée pour être la plus belle des Açores.

Le 28 août, au terme d’une quinzaine de jours de vagabondage sous le signe du soleil (pas un jour de pluie, quelques heures tout au plus),  et de températures agréables,  nous laissons, à regret, derrière nous cet archipel recelant de trésors : population hospitalière, nature sauvage,  paysages fantastiques. Quiétude, respect de l’environnement, plaisir des yeux, paradis des marcheurs, chaleur humaine, les qualificatifs pour décrire les Açores sont légion. L’archipel  appelle à un séjour plus long,  mais la saison déjà  bien avancée a raison de nos envies. Il  nous reste tout de même une demi-traversée de l’Atlantique à effectuer. Le cap est mis sur Gibraltar.  


au sujet des acores 

 uniquement îles visitees par PHILEAS


 L’archipel des Açores est constitué d’un chapelet de neuf îles principales et fait partie de la Macaronésie, ensemble d’îles comprenant les Açores, les Canaries, les îles du Cap Vert et Madère. Il s’étend sur près de 600 km à environ 760 milles marins à l’ouest de Lisbonne et 2110 milles marins à l’est des Etats-Unis. 
Les Açores sont divisées en trois groupes : l’occidental –Florès et Corvo-, le central – Terceira, Graciosa, Sao Jorge, Pico et Faial- et l’oriental –Sao Miguel et Santa Maria-.

Les Açores sont des terres de contrastes : les terras do pão, littéralement « terres de pain », plaines paisibles coudoient les montagnes embrumées et les ravins mystérieux. De récentes études menées par des géologues allemands de l’université de Kiel ont conclu que toute la Macaronésie est née d’un mouvement volcanique dit du Hotspot, la pointe de la plaque euro-africaine située à 50 milles au sud-ouest de Madère. Les îles des Açores sont apparues après les Canaries, après Porto Santo et après Madère, vers le tertiaire moyen, sauf Santa Maria où la découverte de couches sédimentaires accrédite sa formation pendant le miocène. La formation des îles açoréennes remonte à environ  4 millions d’années pour Terceira, 0,62 million pour Graciosa, São Jorge et Faial et guère plus de 300 000 ans pour Pico la cadette. La sismicité a toujours été importante, sauf dans le groupe occidental et principalement à Pico et Faial. Ces îles sont situées dans une zone très délicate ; trois zones tectoniques s’y rencontrent en forme de « T » : la plaque nord-américaine (Florès et Corvo dont le relief indique une orientation nord-sud), la plaque eurasienne (Graciosa, São Jorge, Terceira et São Miguel) et la plaque africaine (Faial, Pico et Santa Maria). Ainsi les deux îles occidentales attirées vers l’ouest,  se séparent du reste de l’archipel à raison d’environ 2,50 cm par année.

Deux types d’activité volcanique ont façonné l’étrange géographie de l’archipel. La première, de type explosif, a formé les caldeiras comme à Faial ou à São Miguel ; le volcan s’est effondré sur lui-même, formant un cratère évasé où repose souvent aujourd’hui un lac en apparence paisible. Les caldeiras sont constituées de trachytes, sauf à Corvo composé de basaltes et à Graciosa composée à la fois de trachytes et de basaltes. La seconde activité volcanique, de type effusif, a entraîné des coulées de lave et a formé les mistérios (mystères) au nombre de quatre à Pico  - deux au sud et deux au nord-, les biscoitos (biscuits) - paysages déchiquetés de basaltes noirs qui se dressent au bord de la mer formant des piscines naturelles-, et les fajãs , sortes d’avancées relativement planes nées de l’effondrement des falaises. Ces conditions géographiques, en apparence peu avantageuses, et causes de grandes catastrophes dans l’histoire de l’archipel, ont néanmoins permis aux hommes de survivre : les premiers habitants  s’installèrent par exemple sur les fajãs pour cultiver café, bananes ou pommes de terre, grâce à un climat plus doux et moins soumis aux vents violents. La terre volcanique, très fertile, est propice à la culture. Et enfin l’adondance du basalte a encouragé l’émergence d’une architecture bien spécifique, tant religieuse que civile, jusque dans les adegas, ces caves en pierres traditionnelles qu’on peut voir au nord de Pico.


Et  encore
FLORES


De forme trapézoïdale, la petite île de Florès est tout au bout de l’archipel des Açores, ce qui en fait le point le plus occidental de l’Europe, une Europe étendue pour l’occasion jusqu’à son extrême périphérie.
Florès a été pendant trois décennies (des années 1960 à 1994) un poste avancé du Centre d’Essais des Landes de Biscarosse. L’arrivée des Français dans cette région reculée s’accompagna d’un certain développement logistique, économique…et social. Une route fut construite  entre Cedros et Ponta Delgada, le premier avion atterrit en 1968, le premier hôpital ouvrit ses portes l’année suivante. Une soixantaine de nos compatriotes vivait sur l’île de façon permanente, mais ils n’étaient plus qu’un trentaine sur la fin. Un avion Transal importait tous les mois des aliments de l’Hexagone : le Restaurante da Cercle –Mess de l’hôtel baptisé « Hotel dos Franceses » -aujourd’hui Hotel Servi Flor- était ainsi une véritable  option gastronomique. Le prix d’un billet d’avion pour Bordeaux, sans escale, revenait trois fois moins cher que pour Lisbonne ! La présence française se traduisit aussi par une certaine influence artistique et culturelle : beaucoup de gens parlent encore français sur l’île et la peinture sur soie prit un véritable essor.  Côté fromages, le camembert, le brie ou le roquefort firent une apparition remarquée ! Pendant l’été 1993 le colonel Leclerc donna une fête pour célébrer la fermeture de la base des Français qui perdait son sens depuis la chute du mur de Berlin et la in de la guerre froide. Tout le monde ne se réjouit pas de ce départ ; le commerce en pâtit lourdement. Le centre de santé, qui ne bénéficiait plus de l’aide des médecins français, dépérit lentement. Sans parler des quelques  34 familles portugaises dont l’un des membres travaillait pour la base et qui se retrouvait tout à coup sans emploi !


FAIAL

L’île dont la forme évoque un pentagone irrégulier est dominé par un cône volcanique, une caldeira qui s’étale en pente douce et compose des cratères secondaires jusqu’à la mer. Son point culminant, au Cabeço Gordo atteint 1 043 m.

Sa situation centrale dans l’Atlantique lui assurant une position stratégique, elle concourut au développement des relations commerciales transatlantiques (oranges, baleines…) et aux premiers pas de l’aviation. Le premier avion  qui traversa l’Atlantique passa par Horta en 1919.
En 1957, une violente éruption volcanique sous-marine finit par former, à coups de panaches de fumées et de jaillissements de pierres, un îlot à l’extrême nord-ouest de l’île : les troubles sismiques durèrent presque un an. La nouvelle formation s’unit à la côte et depuis l’érosion s’échine à rogner cette masse imposante de cendres et de roches.
En 1998, un nouveau tremblement de terre enregistré à 6,8 sur l’échelle de Richter provoqua de nouveaux dégâts ; de nombreuses églises furent endommagées.
L’économie de Faial repose aujourd’hui sur l’agriculture, les produits laitiers, l’élevage, la pêche, le commerce et bien sûr sur le tourisme.      


SãO JORGE


São Jorge est une des cinq îles du groupe central de l’archipel. Elle est séparée de l’île de Pico de seulement 15 km.
La côte de l’île est particulièrement difficile d’accès, les falaises atteignant plusieurs centaines de mètres de hauteur par endroit. Les effondrements de ces falaises ont donné naissance à des terrasses basses à proximité de la mer, appelées Fajãs. Celles-ci sont particulièrement fertiles et leurs microclimats permettent des cultures très variées et exotiques comme le café sur la Fajã do Vimes.
L’île compte plus de deux cents volcans de nature basaltique, alignés sur des failles orientées nord-ouest sud-est. La zone la plus ancienne constitue le complexe de Topo et se trouve au sud-est de São Jorge. Des datations radiométriques lui confèrent un âge compris entre 550 000 ans et 110 000 ans.
L’île a connu deux éruptions volcaniques historiques en 1580 et en 1808. Une éruption sous-marine a été signalée au sud-ouest de l’île en 1964.
Les principales ressources sont l’élevage, la culture des céréales et des fruits. Les autres productions importantes sont la pêche et la fromagerie. Le fromage de l’île est le plus connu des Açores. Une large part de sa production est exportée vers l’Amérique du Nord.  


Terceira

L’île, 29 km de  long et 18 km de large, de forme elliptique doit son nom au fait d’avoir été découverte la troisième, vers 1450. Elle est également la troisième île de l’archipel en terme de superficie. Comme ses sœurs, elle est volcanique avec trois stratovolcans en sommeil : Cinco Picos le plus ancien, Guilherme Moniz et Santa Barbara. Le volcan de Pico Alto, dont la caldeira est encombrée de très nombreux dômes et de coulées de lave épaisse de nature trachytique, est considéré comme une excroissance du volcan de Guilherme Moniz. La caldeira de Cinco Picos est la plus large de tout l’archipel avec un diamètre de 7 km.
L’île a connu une éruption volcanique en 1761 au Pico Vermelho et une éruption sous-marine en 1867. Entre fin 1998 et 2000 eut lieu une seconde éruption sous-marine au large de Terceira à environ 12 km, la dernière éruption historique aux Açores.
Les populations vivent surtout sur le pourtour de l’île, le centre étant constitué de collines et de quelques petits lacs issus de l’activité volcanique.
Son agglomération principale Angra do Heroismo est la capitale historique des Açores et compte 35500 habitants. Elle est classée au patrimoine mondial de l’Unesco pour son architecture des 16° et 17° siècles. En 1980 un tremblement de terre endommagea Angra do Heroismo causant 71 victimes.


SANTA MARIA

L’île est constituée à l’ouest d’un plateau uniforme, érodé et dénudé. Sa partie orientale est plus accidentée et relativement boisée. D’origine volcanique Santa Maria a connu plusieurs phases d’édification et d’érosion depuis la fin du Miocène. Elle a également connu des phases d’immersion liées à d’importantes transgressions marines. Son volcanisme est considéré comme éteint aujourd’hui.

Première terre peuplée des Açores, Santa Maria vit les premiers pionniers débarquer des caravelles en 1439, originaires de l'Algarve, de l'Alentejo ou de Beiras. Par la suite la plupart des familles arriveront surtout de l'Algarve comme en témoignent les cheminées caractéristiques que l'on trouve sur l'île.

En 1944 compte tenu de l'immense intérêt stratégique des Açores, l'aéroport de Santa Maria est construit à des fins militaires. Il sera l’étape obligée de tous les vols transatlantiques, les avions n’ayant pas l’autonomie suffisante pour faire la traversée d’une seule traite. Aujourd’hui le temps où Vila do Porto (la capitale) était un point de chute dans l’archipel, est révolu.  L’été quelques liaisons maritimes y sont encore organisées. Le reste de l’année les seuls vols effectués sont entre São Miguel et Santa Maria.  





Iles visitées par Philéas : Florès, Faial, Sao Jorge, Terceira et Santa Maria
(en 2012 Florès, Faial, Pico et rapidement Sao Miguel)  








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(1)     Mailloux : Français ou résidants non originaires de St Pierre et Miquelon.
(2)    AIS : système d’identification automatique qui permet de connaître l’identité, le statut et la position des navires aux alentours, mais qui permet surtout de prévenir un risque de collision.
(3)     Philéas a deux quilles.
(4)    Catway : un catway est un petit appontement flottant parcourant la longueur d’un bateau amarré, destiné à la circulation des personnes. Le catway est amarré à un ponton ou un quai.
(5)    Consentir : terme marin ancien qui signifie casser, se rompre ; on le retrouve dans un proverbe dont la première partie est très connue des marins : « trop fort n’a jamais manqué, alors que fort assez a parfois consenti. »
(6)   Neuf voiliers MédHermione sont passés à Florès : Black Niboune, Atène, Embellie V pour la 1ère vague puis les six voiliers de l’arrière garde –Diadem, Abalone, P’tit Mousse, Eraünsia, Bellatrix et Philéas-.