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mardi 25 novembre 2014

PHILEAS A SAO VICENTE - CAP VERT


Quelques heures après notre appareillage de Santa Luzia les bouées d’accès de la marina de Mindelo se dessinent devant nous. Avant d’embouquer le chenal nous laissons sortir la soixantaine de voiliers de l’ARC+. L’organisateur du rallye annonce par VHF le départ du groupe des régatiers suivi par un compte à rebours pour le groupe des croisiéristes1
.
Pour la seconde escale de regroupement de la flottille MédHermione, nous accostons à la seule marina du Cap Vert, la marina de Mindelo, que nous connaissons bien pour y avoir séjourné en 2011. Les infrastructures ont peu changé, la ville en revanche s’est adaptée aux besoins des plaisanciers en escale. Le passage de l’ARC+ pour la deuxième année consécutive n’est sans doute pas étranger à cette modernisation ; des supermarchés bien achalandés, des bars aux normes occidentales avec wifi, des restaurants, et « French touch » une boulangerie pâtisserie proposant brioches et croissants fleurissent dans les rues de la capitale. Les marchés de fruits et légumes abondent également et proposent une plus grande diversité de produits qu’en 2011. Outre le marché municipal couvert aux étals bien alignés et les petits marchés de plein air dressés sur la place principale, de nombreux revendeurs installés dans des garages offrent bananes, tomates, patates douces, oignons, aulx, salades, citrons, papayes… Ici pas de cahier des charges à respecter, pas de calibrage commercial, tout est bon pour la vente en dépit de l’apparence. Les oranges à la peau tachetée qui n’attireraient pas le regard du consommateur occidental sont juteuses et goûteuses à souhait. Le marché aux poissons est toujours aussi animé, des pièces de tailles impressionnantes sont soit vendues en l’état soit débitées et proposées au kilo -un kilo minimum- pour un prix dérisoire oscillant entre deux et quatre euros le kilo. Pendant notre séjour nous faisons une cure de thon : poisson cru à la tahitienne, poisson grillé, curry, carpaccio, chao men.
Si vous êtes amateurs de pêche au gros sachez que le record des plus belles prises est détenu au Cap Vert. Ses eaux préservées de la pêche intensive abritent des « monstres » et notamment des marlins impressionnants.

L’alliance française propose toujours, dans un cadre agréable, rafraichissements, encas et wifi. Dès le seuil de l’établissement franchi, le visiteur est saisi par une agréable atmosphère de sérénité.

Tout comme en 2011 nous sommes accueillis par Éric et Hélène, normands d’origine installés à Mindelo depuis quelques années à l’occasion d’une escale …longue durée. Depuis notre dernier passage Éric a acquis un bateau et s’est lancé dans la pêche au gros. Un séjour aux « petits oignons » nous est concocté par nos G.O. normands. Nous nous laissons faire avec plaisir. 

Soucieux de notre santé, Éric débute notre stage de remise en forme par une petite marche entre mer et montagne aboutissant à un phare désaffecté.  
marche à Sao Vicente
Un petit sentier escarpé et une température ambiante bien supérieure à 30° assurent un drainage lymphatique efficace aux marins que nous sommes, davantage habitués aux embruns depuis deux mois qu’aux randonnées. Et cerise sur le gâteau, la ballade découverte de Sao Vicente, ponctuée de paysages magnifiques s’achève par un rafraîchissement avec sels de bain sur une superbe plage de sable. 
dégustation de la cachupa

L’étape suivante, la première séance de dégustation de plats locaux de notre séjour n’a rien de diététique, mais au diable le régime. Une cachupa très copieuse, plat typique du Cap Vert, nous est servie sans modération. La recette de la cachupa varie en fonction des ingrédients disponibles. Préparée avec du maïs, des haricots, des fèves, des carottes, de la viande de porc, du boudin, du poisson, des patates douces, de la courge, du manioc, notre cachupa est très riche en ingrédients et …en calories ! La séquence gastronomie ne fait que débuter…

Le lendemain Éric et Hélène nous ouvrent les portes de leur maison ou plus précisément de leur jardin pour un repas langoustes ; repas langoustes tant apprécié en 2011 et dont la simple évocation continue à faire saliver aussi bien les anciens de MédAtlan que les petits nouveaux de MédHermione2


La visite de l’île de Santo Antao, distante de Mindelo d’une dizaine de nautiques, s’inscrit au  programme de notre troisième jour de détente. Après les séquences « tourisme sportif » et « gastronomie », Pascual, ami d’Éric et Hélène, belge de naissance mais Cap Verdien d’adoption, nous offre une journée plaisir des yeux et paysages époustouflants à tous les virages ! L’île de Santo Antao, très verte et montagneuse, charme ses visiteurs. Plus arrosée que Sao Nicolao elle est bénie des Dieux pour les cultures vivrières. Bananiers, papayers y poussent sans effort. 

Le fromage de chèvre frais et fumé est également une spécialité du lieu. Nous en profitons pour compléter notre avitaillement du bord en achetant quatre kilos de papayes et un demi-régime de ces petites bananes si délicieuses inconnues des marchés français car trop fragiles pour être exportées.



Sao Antao
Les îles capverdiennes, si dépaysantes, nous font oublier toute notion du temps. Le journal de bord, mémoire du marin, est aussi le témoin infaillible de nos escales ; quinze jours déjà depuis notre premier mouillage dans l’archipel, dont sept jours à Mindelo partagés avec nos camarades, se sont écoulés.
Les alizés nous font un appel du pied insistant, nous avons un océan à traverser ! L’équipage s’active pour parfaire les derniers préparatifs avant le grand saut vers Grenade ; avitaillement, rangement, dernière météo, les deux semaines à venir seront mouvementées, rouleuses surtout. 


*
Le 25 novembre, soit trois ans jour pour jour après notre première traversée transatlantique, les regards se tournent vers l’ouest, une page se tourne. « Hisse le grand foc tout est payé »3

Trajet traversée Cap Vert vers Grenade



ARC: Nouvelle branche de l’Atlantic Rally for Cruisers partant du Cap Vert au lieu de Gran Canaria (Canaries) pour rejoindre Ste Lucie. Les inscrits au  rallye ont le choix entre l’option traversée en mode régate ou traversée en mode croisière.
2 Séjour au Cap Vert en 2011 : voir article sur ce blog :  http://rmphileas.blogspot.fr/2011_11_01_archive.html
Article de  Novembre 2011 : Archipel du Cap Vert – Sao Vicente et Santo Antao 
3 A l’époque des grands voiliers, cette phrase marquait le départ. A partir de ce moment les dettes de l’équipage étaient effacées


lundi 17 novembre 2014

EN ROUTE VERS L'ARCHIPEL DU CAP VERT

Avec l’arrivée d’Alain nos quarts s’en trouvent allégés. Nous apprécions de tourner seulement toutes les quatre heures. Finis les six heures de veille nocturne.

Archipel du Cap Vert
Dès le départ un vent de nord-est de force variant entre 4 et 6 nous pousse vers notre destination. Mais comme rien n’est jamais parfait une houle croisée ballotte Philéas de bâbord à tribord. J’ai du mal à m’adapter à cette mer hachée et à ces vagues courtes. Qui parle du confort d’une allure au portant? Dans ces moments je pense réellement que l’amour de la mer est un manque de discernement…


Pendant sept jours la houle s’impose, tantôt ronde tantôt plus brutale. Le vent quant à lui, pour la première fois enfin depuis notre départ de Toulon ne nous fait pas faux bond pendant cette traversée. En revanche nos tentatives de pêche restent vaines. Aucune des trois lignes de traîne mouillées n’aiguise l’appétit d’une petite dorade coryphène ou d’un thon, conséquences sans doute d’une mer trop agitée. La poêle reste désespérément vide ! Seuls quelques exocets viennent s’échouer sur le pont de Philéas pendant la nuit. Lors d’un de mes quarts nocturnes un poisson volant, es-commando suicide, tente de m’assommer. Je ne dois mon salut qu’à la capote qui fait écran entre nous, tandis que son binôme atterrit dans l’épuisette restée sur le passavant…

La veille de notre arrivée tout l’équipage gagne une journée spéciale rodéo. La mer s’enrage, s’acharne furieusement sur Philéas. Tel le roseau il fléchit –mais ne se rompt point-, perd l’équilibre, part au rappel avec brusquerie puis finit par se redresser. A l’intérieur malheur à l’imprudent qui omet de se tenir ou aux objets qui ne seraient pas arrimés. A l’heure des repas, pas de mondanité à bord, nous empoignons fermement nos assiettes, il suffit d’une seconde d’inattention pour que leur contenu entame une valse à un temps. Parfois, Furiosa vexée revient à la charge sans scrupule. La hanche de Philéas s’applique à épauler au mieux les lames scélérates.


A l’aube du septième jour se dessine devant nous l’île de Sal puis peu à peu la baie de Palmeira. Le fonctionnement des feux de signalisation à l’entrée du port étant aléatoire nous avons réduit notre vitesse en cours de nuit pour n’arriver qu’au petit matin. Nous croisons quelques pêcheurs sur leurs barques colorées se dirigeant vers le large. Au  milieu du chenal d’entrée nous distinguons des coffres d’amarrage puis quatre bouées signalant le quai des tankers. Elles ne sont pas allumées ... Après une semaine de stage intensif au twist, la fin de l’entraînement est bienvenue. Il ne faut pas abuser de la « générosité » de la mer !

Des taches plus terre à terre nous attendent : formalités douanières et d’immigration. C’est parti pour la tournée des administrations : police maritime puis police des frontières installée sur le site de l’aéroport à 7 km de la ville. D’après les us et coutumes seul le skipper du voilier est autorisé à se rendre à terre pour effectuer toutes ces démarches. L’équipage ne peut débarquer qu’à l’issue de l’achèvement de toutes ces opérations. Le 12 novembre  l’officier d’immigration de permanence décide que tous les membres doivent se présenter, mais en dehors des périodes de pointe, c’est-à-dire des atterrissages d’avions.

Aéroport de Sal

Le lendemain nous nous rendons tous en bus local à l’aéroport. L’officier du jour ne s’intéresse qu’au skipper et semble embarrassé par notre présence. Pour une fois nous aurons fait notre entrée à l’aéroport comme tout le monde !

A Palmeira  nous avons notre guide personnel, mon oncle Jean-Pierre arrivé par voie aérienne deux jours auparavant. Pas besoin d’ouvrir le petit futé ou le lonely planet, il connaît déjà tout de Sal. Il a tué le temps le séparant de notre arrivée en discutant avec les autochtones et notamment avec Omar qui lui a présenté son île.

Le Cap Vert totalise 10 îles dont 9 habitées et 8 îlots situés à environ 450 km au large du Sénégal. L’archipel, essentiellement d’origine volcanique, se divise en deux ensembles géographiques suivant leur exposition aux alizés : les îles Barlavento au nord plus exposées au vent et plus fraiches (Boa Vista, Sal, Sao Nicolao, Santa Luzia, Sao Vicente et Santo Antao) et les îles Sotavento ou îles sous le vent non exposées et donc plus chaudes (Brava, Fogo, Santagiao et Maio). Le Cap Vert reste pendant presque toute l’année sous  l’influence de l’anticyclone des Açores qui génère des vents dont l’alizé et affecte les courants marins.
Avec Philéas nous ne ferons escale qu’aux îles Barlavento (Sal, Sao Nicolao, Santa Luzia, Sao Vicente et Santo Antao) avant de traverser vers les Antilles.

Sal, île la plus connue de l’archipel du fait de son aéoroport international s’étend sur 30 km de long et 12 de large. Plat et désertique, son paysage est nu, aride et sec.  Elle est l’une des trois plus anciennes îles de l’archipel. Bordée par une belle plage de sable fin au sud-ouest elle est un spot référencé pour la  planche à voile, le kite surf, et le surf. Les magazines spécialisés classent le site parmi les meilleurs au monde, à un niveau ayant peu à envier à celui d’Hawaï. De nombreux surfeurs y viennent entre novembre et avril  pour profiter des alizés et de la forte houle qui en découle.

L’intérêt d’un séjour à Palmeira étant limité nous aspirons à un mouillage plus attrayant. Nous optons pour l’une des deux belles plages réputées de l’île où nous entendons bien nous baigner. Avant d’appareiller nous récupérons contre quelques euros l’acte de francisation de Philéas conservé deux jours auparant par l’officier de police maritime.

La baie de Mordeira, sauvage, vierge de toute présence humaine nous accueille. Une immense piscine encercle Philéas. Le long de la plage de beaux rouleaux viennent s’écraser contre le rivage et poussent le baigneur sur la plage. En revanche pour rejoindre Philéas il faut ruser, s’élancer entre deux trains de vagues et s’éloigner au plus vite de la côte.
Le lendemain matin nous apercevons des 4X4 des tours opérateurs baladant leur lot de touristes au milieu des dunes. Dans l’après midi le groupe n° 2 débarque sur la plage pour s’essayer au stand up paddle. En fin d’après midi nous nous retrouvons à nouveau les uniques occupants des lieux et savourons un ti-punch en observant le coucher du soleil.  Un avant goût des Antilles !
Avant de rejoindre Sao Vicente, notre prochain port de regroupement, nous mettons le cap sur Sao Nicolao situé à 90 nautiques dans l’ouest de Sal. Très vite mon oncle découvre le dessous des cartes de la navigation : le mal de mer. Une mer agitée prend sournoisement son estomac pour otage... Son malaise va croissant, la phase d’amarrinage a débuté dès son premier jour de mer à bord de Philéas et durera jusqu’au mouillage de Porto de Tarrafal.   

Tarrafal, le plus grand des trois ports de l’île est peu fréquenté par les voiliers de passage. Une grande plage de sable noir borde la ville. D’après les guides touristiques les vertus curatives des sables noirs de Tarrafal, chargés en iode et en titane seraient excellents pour soulager l’arthrite et les rhumatismes. Pour être efficient l’enveloppement requiert 4 heures de patience. Aucun candidat à bord de Philéas ne s’est porté volontaire pour le test d’efficacité !

La moyenne d’âge de la population que nous côtoyons est peu élevée. De nombreux enfants profitent des bienfaits de la baignade et se satisfont de peu de chose. Très peu de jeunes gens disposent d’un téléphone portable basique. Les smartphones seraient bien inutiles ici nous n’avons pas trouvé de connexion wifi.

Le littoral très découpé de l’île est escarpé  tandis que l’intérieur présente de multiples montagnes et des vallées étroites et profondes plus ou moins verdoyantes, où se concentre la plus grande partie de la population. Le paysage est sauvage, rude et austère. De nombreuses traces de lave et d’éboulis omniprésentes à Sao Nicolao témoignent d’une activité volcanique très intense par le passé. Les canyons très profonds font penser à des paysages de Far West. Autre contraste saisissant, la côte ouest du côté de Tarrafal, zone plutôt aride et sèche avec ses montagnes et ses plages, qui côtoie une région fertile, Riberia Brava, Agua das Patas et la plaine de Faja, recouverte d’arbres et de cultures.  Sao Nicolao est considérée comme l’une des quatre îles agricoles du Cap Vert. La région de Faja, la plus verte,  héberge les principales cultures, grâce à une nappe phréatique souterraine. L’eau est acheminée par une galerie de 2 km creusée dans la roche. Ces travaux ont été réalisés avec l’aide matérielle  et financière de la France.


A Tarrafal nous nous étonnons du nombre significatif de maisons et petits immeubles construits au cœur et en périphérie du village. Les façades présentent pour la plupart des arrondis, des balcons en forme de demi-lune agréables à regarder. L’architecte a fait preuve de goût. Si la construction de certains bâtiments semble avoir été suspendue depuis un bon moment d’autres maisons sont en phase d’achèvement. Le travail paraît soigné, les peintures vives et variées des façades dénotent un goût prononcé des Cap Verdiens pour les couleurs criardes.


A la sortie de Tarrafal, un grand collège flambant neuf attend ses élèves, le terrain de football, récent également, est quant à lui envahi par des joueurs motivés. A l’extérieur du village un lotissement surprenant aux maisons toutes identiques, alignées au cordeau et encerclées par une clôture de fil de fer barbelé bordent la plage. Nous nous interrogeons sur l’utilité de cet ensemble immobilier ; aucune âme qui vive  n’anime ce site fantôme. La plupart des constructions récentes, d’ailleurs, sont inhabitées. D’où proviennent les fonds, fonds européens, internationaux, blanchiment d’argent ? Nous n’en saurons pas davantage pour l’instant.

Le dimanche matin, Jean-Pierre, Alain et moi partons à la ville en transport en commun. Christian reste à bord pour garder Philéas. Ribeira Brava est le chef lieu de l’île avec 5 000 habitants sur les 13 000 peuplant Sao Nicolao. Antonio, notre chauffeur, fait trois fois le tour du village espérant remplir son mini bus, en vain, les villageois sont à la messe et les rues sont désertées. Nous serons les seuls passagers.
Dès la sortie de Tarrafal les rues pavées font place à une belle route  au  revêtement uniforme. Pas un seul nid de poule, pas une bosse. Un bitume à faire pâlir d’envie les Toulonnais de passage !

Peu à peu nous quittons les paysages arides et secs proches de la mer, et prenons de l’altitude. Notre chemin serpente au milieu d’une région verte : le grenier de Sao Nicolao. Nous traversons des cultures vivrières et maraîchères. Manioc, ignames, haricots, bananiers, papayers, patates douces, pommes de terre, maïs abondent entre Faja de Cima et Faja de Baixo, non sans effort ; le Cap Verdien s’est adapté au relief de son île et pratique de façon artisanale la culture en terrasses. Ici et là nous croisons des ânes destinés au transport des récoltes, des femmes portant sur leur tête de lourdes charges. Quelques rares chèvres et veaux patûrent à flanc de coteau. Nous sommes loin de l’élevage intensif des bovins et des ovins engraissés aux granulés. Ici des coqs et des poules réellement élevés en plein air, grattent le sol et chantent à tout moment de la journée.

Paysage à l'intérieur de Sao Nicolao 

A col de Cachaco, un point de vue splendide sur la vallée de Ribeira Brava s’offre à nous. Nous conservons les yeux rivés sur ce paysage grandiose. Notre bus contourne la montagne, descend une vallée, remonte vers l’autre versant, longe la côte nord-est avant de faire route à nouveau vers le centre de l’île. Quelques cinquante minutes après notre départ nous arrivons à Ribeira Brava. Antonio s’arrête sur la place principale de la ville. Les rues ne sont pas très animées. Les Cap Verdiens, très croyants, sont encore à l’office. Le dimanche matin l’église, reconstruite en 1891, accueille les fidèles de l’agglomération et des communes environnantes. Nous flânons dans les vieilles rues pavées étroites. Là aussi les façades des maisons sont très colorées et le terrain de football tout neuf, aux murs d’enceintes peints d’un orange et d’un vert flamboyant, attire le regard. Des panneaux publicitaires informent les adminstrés des efforts faits par le gouvernement, soutenu par des banques et autres sponsors, pour faciliter les conditions de scolarisation des enfants : 200 000 kits scolaires ont été distribués dans les écoles en 2014.    


A l’issue de la messe les paroissiens empruntent les bus stationnés sur la place de l’église pour rejoindre leur village. Nous ne sommes plus les seuls clients d’Antonio qui vient nous chercher à l’épicerie du coin avant de repartir. Nous saluons les autres passagers d’un « bom dia[1] » et prenons place. Ma voisine, âgée d’une cinquantaine d’années engage la discussion. Un mélange de Portugais, de Français et d’Espagnol nous permet de contourner la barrière de la langue. Elle habite la ville m’affirme t-elle avec fierté et se rend à Tarrafal pour visiter sa famille. Elle me commente les paysages, m’indiquent les chemins de randonnées et m’entretient sur la pluviomètrie de l’île. Cette année se désole-t-elle est une année de sècheresse, la pluie espérée entre juin et septembre a fait défaut. En 2009, ce fut l’inverse, des pluies torrentielles ont entraîné des inondations. Parvenus à destination nous prenons congé.

Le lendemain matin je reprends la route vers Ribeira Brava. Antonio m’apercevant sur le bord du chemin s’arrête. Pendant une vingtaine de minutes, il tourne dans le village pour remplir son mini-bus. Nous croisons des enfants tirés à quatre épingles marchant vers l’école. Tous revêtent un uniforme : une blouse bleue claire. Je souris en croisant  deux petites filles tenant un parapluie rose imprimé de petits dessins enfantins. Leur innocence attirerait-elle la pluie ?

Mon déplacement est motivé par la gourmandise, gourmandise des yeux certes, la route scénique reliant Ribeira Brava est très agréable mais la gourmandise du ventre intéresse davantage l’équipage resté à bord… Un approvisionnement en fruits et légumes frais produits localement est le bienvenu pour améliorer l’ordinaire. Dans les villages traversés, Antonio fait des détours, livre des paquets, en réceptionne d’autres, tantôt s’arrête pour embarquer des passagers, tantôt recule de deux mètres pour prendre une personne. Les villageois ne se hâtent point, ne pressent jamais le pas à l’arrivée du bus. Ici pas d’énervement, pas d’horaire à tenir, le chauffeur attend sans manifestation d’impatience des passagers. Tous se connaissent et se rendent service mutuellement.

Mon marché à la ville sera vite fait. En revanche il me faudra apprendre la patience et attendre que le bus pour Tarrafal se remplisse. Ici la notion de temps est relative, si les usagers ne sont pas là ou tout simplement pas prêts, le chauffeur ne part pas. J’ai adopté le rythme cap verdien ; pour vingt minutes passées au marché j’ai quitté Philéas à 8h00 pour n’être de retour que vers 11h00 !


Après un rapide déjeuné nous appareillons pour Santa Luzia, située à 27 nautiques dans l’ouest, notre dernière escale avant de retrouver nos camarades à Mindelo.
Santa Luzia est une île déserte et inhabitée et très souvent ventée. Le sud est plat avec des dunes et des plages, tandis que le nord est plus élevé avec des falaises plongeant dans la mer. Nous mouillons sur la côte ouest, le long d’une plage paradisiaque. Nous n’entendons que le bruit des vagues qui viennent s’échouer sur le rivage. En surface le sable est blanc mais dès que les pieds s’enfoncent le sable noir d’origine volcanique apparaît. De nombreux petits crabes, des pluviers en quête de nourriture courent sur le rivage. Mon abordage avec palmes, masque et tuba les dérange et les fait fuir.

Nous séjournons une journée et deux nuits dans ce petit paradis avant de rejoindre Sao Vicente et la civilisation.    

Sao Vicente vue de Santa Luzia





[1] Bom dia : bonjour. Terme utilisé le matin. Pour l’après midi bonjour se dit » boa tarde »     

mardi 4 novembre 2014

ESCALE A LANZAROTE

Une semaine déjà s’est écoulée depuis notre arrivée à Arrecife. Que le temps passe ! Nous avons retrouvé nos camarades de la flottille MedHermione. Ceux partis de Toulon le 12 octobre ont rejoint le point de regroupement en décalé après de très courtes escales de repos à mi-parcours. Un « apéro ponton » pour les premiers arrivés et un repas de cohésion à mi-séjour furent l’occasion d’échanges sur les conditions de navigation rencontrées par les uns et les autres.

Les peintures de la marina qui nous accueille ont juste eu le temps de sécher ; Marina Lanzarote a ouvert ses pontons aux navigateurs le 18 octobre et tous les travaux ne sont pas encore terminés. Conçue selon des plans dans l’air du temps, elle est bordée d’une multitude de boutiques n’ayant aucun rapport avec le monde de la mer. En revanche si vous avez oublié vêtements, chaussures, sous-vêtements, cosmétiques vous aurez matière à compléter votre trousseau ; des commerces flambants neufs vous attendent. Un petit supermarché offre essentiellement des alcools, valeur sûre pour les « apéros ponton ». Les quais sont arpentés le weekend par les autochtones attirés non pas par les voiliers mais par la concentration d’enseignes tendance. Pour fêter halloween et retenir le chaland, des animations, des ateliers « travaux manuels pour les enfants » sont organisés pendant deux jours sur le quai-promenade. Après trois jours au mouillage à Graciosa la sauvage et désertique, nous sommes plongés sans transition dans la civilisation.


C’est hors de la marina que Lanzarote nous dévoile son vrai visage. Hérissée de 300 cônes volcaniques, son paysage revêt un aspect rude et lunaire émaillé çà et là de vallées plantées de palmiers qui contrastent avec des champs de lave noire à l’aspect irréel. La visite de l’île n’a pas fini de nous étonner. 


Lanzarote - Canaries

Arrecife, environ 54 000 habitants, la capitale de l’île depuis 1852 est une ville sans cachet. Elle compte un nombre limité de lieux dignes d’intérêts –parmi lesquels deux châteaux- mais a l’avantage d’être une vraie ville, un lieu de vie et non exclusivement animé à des fins touristiques. En revanche Teguise, située à 12 km au nord, a des allures de village espagnol ou de medina nord-africaine. Quelques monuments rappellent que cette agglomération fut autrefois la capitale de l’île. Le dimanche matin, un immense marché monopolise ses rues bordées d’étals essentiellement destinés à une clientèle de touristes. Amateurs d’authenticité, s’abstenir ! Lors de notre passage un jour de semaine nous avons été frappés par le manque de vie dans les rues de Teguise. Cependant au détour d’une ruelle, notre attention a été attirée par un atelier discret. A l’intérieur un luthier nous a ouvert sa porte et laissé découvrir les différentes phases de fabrication du timple, sorte de ukulélé d’origine mal connue, probablement introduit dans l’archipel au XV° siècle par des esclaves berbères. Emblématique du patrimoine canario, ce petit instrument en bois à 5 cordes aux sonorités aigues est de toutes les fêtes traditionnelles. Le timple berbère était, semble-t-il, composé d’une carapace de tortue.



Cependant au détour d’une ruelle, notre attention a été attirée par un atelier discret. A l’intérieur un luthier nous a ouvert sa porte et laissé découvrir les différentes phases de fabrication du timple, sorte de ukulélé d’origine mal connue, probablement introduit dans l’archipel au XV° siècle par des esclaves berbères. Emblématique du patrimoine

Une autre surprise m’attendait plus loin, à Los Valles ; le coiffeur du village me convia avec insistance à pénétrer dans son salon, un salon d’un autre âge loin des design modernes. A l’intérieur des photos un peu jaunies, sur lesquelles figurait mon hôte, tapissaient l’un des murs. Non sans fierté il me montra les nombreuses coupes gagnées au fil des combats. Mon lutteur me fit comprendre qu’il était sourd et muet. Etaient-ce les conséquences de la pratique de  ce sport ? Je ne saurais le dire. Affiche à l’appui il m’invita à assister au prochain match organisé, disputé 15 jours plus tard.

La lucha canaria –lutte canarienne- remonterait aux Guanches, un peuple de robustes guerriers très portés sur les épreuves de force, qu’il s’agisse de sauter par-dessus les précipices, de plonger depuis de vertigineux promontoires ou de combattre corps à corps. Un membre de chaque équipe se place en face de son adversaire sur le terrain et, passé le salut protocolaire et quelques autres manifestations de bonne volonté, chacun tente de faire mordre la poussière à l'autre. Aucune partie du corps à l’exception de la plante des pieds ne doit toucher le sol et le premier à manquer à cette règle perd la partie. Les facteurs essentiels ne sont pas la taille et le poids des lutteurs –quoique que ces lutteurs soient aussi charpentés que des piliers de rugby- mais plutôt le talent des combattants à saisir leur adversaire et à le forcer à prendre la position dans laquelle il pourra facilement être renversé.

Haria
En remontant vers le nord-ouest, Haria, village installé au milieu d’une vallée plantée de palmiers et ponctuée de bougainvillées et de poinsettias  aux couleurs éclatantes, rompt la monotonie des paysages volcaniques. Aux XVII° et XVIII° siècles, les habitants plantaient traditionnellement un palmier pour célébrer la naissance d’un enfant -plus exactement 2 pour un garçon et 1 pour une fille-. Plus tard, cette oasis de style nord-africain devint une destination thermale fréquentée par des Canariens fortunés.

Au mirador del Rio un superbe panorama plongeant sur l’île de Graciosa captive le promeneur, spectacle grandiose au pouvoir envoûtant. Une autre curiosité de Lanzarote est la cueva de los Verdes. Un gouffre béant de 1 km de long est la partie la plus spectaculaire d’un tunnel de lave de plus de 8 km, généré par une éruption volcanique 5000 ans auparavant. En creusant un sillon vers la mer –plus de 6 km de galeries se trouvent désormais au-dessus du niveau de la mer et 1,5 km sous l’eau-, les couches supérieures se refroidirent et formèrent une croûte sous laquelle le magna en fusion continua à couler jusqu’à la fin de l’éruption.

Ile de Graciosa
 La route la plus pittoresque de l’île s’étire à l’opposé, au sud-ouest, entourée par des sommets volcaniques d’un côté et par la mer et les plages de sable noir de l’autre côté. A son extrémité une petite piscine vert émeraude située en face de la plage, tire sa couleur de l’algue qui s’y trouve. Il a constitué la toile de fond de l’affiche du film Un million d’années avant J.-C. dans lequel Raquel Welch s’expose dans un bikini en fourrure. Sa couleur est rehaussée par les roches volcaniques environnantes.

Piscine naturelle vert émeraude
La découverte de Lanzarote ne saurait être complète sans un petit tour du côté de la route des vins. Plantée de bien curieux vignobles, elle serpente à travers à travers la région du sud-ouest. Le sol de lave noire enrichi par les séismes successifs, convient parfaitement à la vigne cultivée dans de petits creux, derrière des murets en demi-lune appelés zocos. L’île s’enorgueillit de cultiver un cépage disparu des vignobles en Europe suite à l’épidémie de filoxera : le malvoisie.

Vignes en zocos
Nous n’aurons pas le temps cette fois de découvrir d’autres îles canariennes ; nous sommes attendus au Cap Vert situé à quelques 880 nautiques pour embarquer mon oncle.

Un dernier approvisionnement en vivres frais et nous appareillons avec Alain qui vient compléter l’équipage de Philéas. 
Trajet Canaries vers Cap Vert