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jeudi 26 avril 2012

14 - PHILEAS A ANTIGUA

21 avril 2012 - Objectif  Antigua

Il est 5 heures, l'équipage s'éveille, il est 5 heures Philéas n'a pas sommeil....

Nous remontons l'ancre et quittons le mouillage de Deshaies en silence. Nos voisins dorment encore. Nous faisons route au largue sous grand voile et génois par vent d'est force 2 à 3. Philéas file une moyenne de 6 nœuds et s'éloigne du bassin de navigation guadeloupéen. Nous nous retournons pour saluer une dernière fois la Guadeloupe qui a su nous retenir plus d'un mois dans ses eaux. Le transit vers Antigua, notre nouvelle destination est agréable. Le vent est régulier. Les cirés bien rincés par les grosses averses d'hier soir restent suspendus bien au sec.


Approche d'Antigua
En fin de matinée nous discernons les contours d'Antigua. Un spectacle d'une rare beauté nous attend aux abords des côtes. Le plan d'eau est maculé de voiles qui défilent sous nos yeux. Et pas n'importe quelles voiles...! Point d'orgue de la saison, la 25ème édition annuelle de “l'Antigua Yacht Regatta” a débuté le 19 avril. Pendant six jours English et Falmouth harbours hébergent de splendides vieux gréements. Ils accueillent la 1ère régate 2012 réunissant de superbes voiliers classiques Chaque année 10 événements d'un tel prestige, témoins d'une époque révolue, sont organisés entre les Caraïbes, l'Amérique du Nord, l'Espagne, l'Italie et la France. La “régate royale de Cannes” clôture la saison en septembre avec le 10ème et dernier rassemblement annuel de cette ampleur.


English harbour
L'Antigua Classic Yacht Regatta s'enorgueillit d'avoir attiré depuis 1988, date de sa création 456 voiliers classiques différents.  La 1ère édition n'en comptait que 7. Un quart de siècle après, une cinquantaine de voiliers d'exception prennent possession du bassin de navigation entre English  et Falmouth harbours.

Philéas approche avec précaution, ralentit l'allure, passe derrière la dernière goélette de la course et s'engage dans la baie en laissant à tribord les fameuses colonnes d’hercule, roches ciselées par l’érosion dans la falaise de Charlotte Point. De taille relativement modeste, elles ne sont visibles qu’à faible distance de l’entrée de Freeman bay.

colonnes d'Hercule

Jumelles à poste, nous ne nous lassons pas d'observer ces voiliers  de caractère toutes voiles dehors. Un tel rassemblement est assez exceptionnel pour s'en émerveiller et mérite à lui seul le déplacement. Les connaisseurs ne rateraient sous aucun prétexte cet événement singulier. Et pourtant lors de la grande parade, les spectateurs ne se comptent pas par centaines. Pas de foule qui se bouscule, contrairement aux voiles de St Tropez (anciennement nioulargue) qui déplacent connaisseurs et profanes en nombre. Nous ne nous en plaindrons pas. Confortablement installés sur Philéas, mouillé dans Freeman bay nous sommes aux premières loges. Nous avons le sentiment d'être des privilégiés et dégustons ces instants magiques avec volupté.


Eilean, ketch bermudien de 22 mètres, conçu et construit en 1936 par un chantier écossais, glisse sur l'eau avec grâce. Nous admirons avec émotion ses lignes sobres et élégantes. Eilean revient de loin. A la voir si pimpante il est difficile d'imaginer qu'elle était condamnée à finir tristement ses jours rongée par les termites au fond de la mangrove antiguane. Sa résurrection, elle la doit à la passion d'un amateur de voiliers de la belle époque. Angelo Bonati, président des fabricants de montres de luxe et  sponsor officiel du défi des yachts classiques Panerai qui a racheté l'épave en 2007 pour la ramener à la vie. 

Après 2 ans et demi de travaux de restauration, les horlogers de Panerai ont su remettre du vent dans les voiles d'Eilean. Méticuleux, les restaurateurs Bonati(1)  ont puisé dans les archives du musée maritime écossais pour se conformer aux plans d'origine de la grande dame. Le défi fut gagné : Eilean, remise à flot en 2009 à la base navale de La Spezia en présence de la petite nièce du constructeur initial, a retrouvé sa splendeur d'antan.

 
La grande Elena nous fait également de l’œil. Goélette traditionnelle de 55 mètres construite et lancée en 2009, elle fut consciencieusement recréée à partir du yacht de 1928 du même nom sur les plans du célèbre Nathanaël Herreschoff. 
 http://www.fky.org/news/sttropez2010-4/14916_2_VST10cb_2249.jpg 
Si les lignes sont fidèles au modèle d'origine, l'intérieur d'Elena a été modernisé (salles de bains, toilettes, climatisation, téléviseurs...) et propose un hébergement de luxe pour 10 personnes maximum (5 cabines doubles).Une bonne adresse pour les amateurs de croisières d'une gamme exceptionnelle.
 
 
Christian a un grand béguin pour Tuiga, un «sublissime»(2) cotre aurique centenaire. Mais chut, ne le répétez pas, Philéas, pourrait être jaloux !

Christian en admiration devant Tuiga

Tuiga commandé  par le Duc  de Medinaceli pour régater contre son sistership Hispania est un cotre franc aurique de 15 mètres, construit en 1909 par le chantier naval William Fife sur le Firth of Clyde en Écosse. En 1994, le prince Albert de Monaco, président du Yacht Club de Monaco, rachète la coque en ruine de Tuiga et la fait intégralement  rénover par le chantier naval Fairlie Restorations. Battant toujours pavillon monégasque il est le voilier amiral du Yacht Club de Monaco.

croisement de"Marie des Isles" et "Tuiga "de Monaco
A l'issue de la grande parade, nous sommes conviés à un apéritif dînatoire organisé au port de Falmouth, une belle occasion de rencontrer d'autres «voileux». Nous nous y rendons avec nos amis autrichiens Helga et Ernst du voilier Nita que nous avons retrouvés Freeman bay. Nous en profitons pour admirer une fois encore les coques ornant le port et leurs gréements subtilement mis en valeur par les projecteurs.


Présentation d’Antigua
 

Antigua est l'une des  îles de l'archipel  Antigua-et-Barbuda. Relativement plate elle occupe une superficie de 280 km2 et compte une population de 72 000 habitants dont 24 000 vivent dans la capitale, Saint John's.


Les principales ressources de l'île sont essentiellement issues du tourisme. Entourée de récifs coralliens, Antigua offre des fonds sous-marins exceptionnels. Ses côtes découpées abritent des plages de rêve. Elles seraient au nombre de 365, une pour chaque jour de l'année si l'on en croit les slogans publicitaires.  De luxueux hôtels bordent les plages de sable blanc. Le yachting est sans conteste le produit phare de la panoplie touristique.  Hauts lieux du yachting, English et Falmouth harbours accueillent  entre autres les fameuses «régates de la semaine d'Antigua» (sailing week) clôturant la saison nautique qui se déroule une semaine après la régate des vieux gréements.

English harbour
English harbour bien protégé par une imposante barrière de corail est l'endroit idéal pour y abriter une flotte. Ce port  a été le bastion de l'escadre anglaise des «îles sous le vent» à la fin du  XVIII° siècle. Les navires de l'amiral  Horacio Nelson pouvaient contrôler toute la zone maritime antillaise.Le port et les installations  de l’arsenal, abandonnés par la Royal  Navy en 1889 ont été restaurés. 

ancien sentier de halage
La maison de l'amiral a été transformée en  musée. Les vestiges de l'ancien sentier de halage, des piliers de pierre, se dressent à proximité  des anciens ateliers hébergeant  aujourd’hui un luxueux hôtel restaurant.  Plus de 200 ans plus tard le repaire de Nelson reste  certainement le lieu le plus réputé d'Antigua.

Napoléon comme vous ne l'avez jamais imaginé !
Nous souhaitons connaître davantage Antigua et nous éloignons des sentiers battus pour découvrir l'Antigua de l'intérieur. Le changement de décor est flagrant. Le niveau de vie des autochtones semble similaire  à celui de la population de la plupart des autres îles antillaises visitées jusqu'à présent. Les 72 000 habitants sont loin de tous profiter des revenus de la manne touristique.


St John's la capitale construite au XVIIème siècle est l'un des plus anciens ports commerciaux des Antilles. L'imposante cathédrale «The divine» est le seul monument d'intérêt. Malheureusement en cours de restauration l'intérieur n'est pas accessible au public. Un marché coloré est installé près du port et une zone «hors taxes» a été aménagée pour les touristes des paquebots qui ne s'attardent pas plus de quelques heures dans la capitale. La ville ne présente que peu d'attraits.

Mercredi 25 avril dans la matinée nous quittons le mouillage agréable et tranquille de  Freeman bay pour nous rendre côte ouest, à Five Islands. Nous jetons l'ancre juste avant la pointe Pearns. Le paysage est magnifique et le site reste peu fréquenté par les plaisanciers. Nous mettons pieds à terre sur une plage déserte, contournons la pointe et débouchons sur une autre baie encore plus jolie. L'eau y est limpide et tente le baigneur. Il n'en fallait pas tant pour que je m'y glisse pour un bain rafraîchissant.

Five islands

Nous ne séjournons que peu de temps dans ce mouillage paradisiaque. Christian a effectué les formalités d'immigration avant de quitter English harbour.  Les autorités locales sont de loin les plus tatillonnes des Petites Antilles. Ils adorent amasser des formulaires redondants et à s'attarder sur des points de détails. Bien entendu ils ne font pas preuve d'une grande amabilité. Fort heureusement notre mouillage à Five Islands clôture notre séjour à Antigua sur une note agréable. 


Nous appareillons demain pour NEVIS.   








(1)     chantier Francesco Del Carlo
(2)     «sublissime» : dixit  Christian, le skipper
 



vendredi 20 avril 2012

13 - PHILEAS AUX ILES DES SAINTES



Bouillante (Basse Terre Guadeloupe)
A l’issue du week-end pascal, Philéas largue les amarres et  appareille pour les Saintes. Après deux semaines passées à la marina de Pointe à Pitre nous sommes ravis d'hisser les voiles et de respirer l'air du large.
 
Présentation des îles des Saintes

Les îles des Saintes sont un archipel d'ilots volcaniques baignant dans la mer des Caraïbes. Elles se situent au sud de la Guadeloupe, à l'ouest de Marie-Galante et au nord de la Dominique, au cœur de l'arc interne des Petites Antilles. Les Saintes se composent de deux îles habitées montagneuses, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas, auxquelles viennent s’ajouter sept autres îlets inhabitées : l'îlet Cabrit, le Grand-Îlet, la Coche, les Augustins, la Redonde, le Pâté, les Roches percées. Les 2 8621  saintois sont pour la plupart des descendants de colons normands, bretons, poitevins, saintongeais et angevins. 
La Guadeloupe et ses dépendances
Ce petit archipel fut découvert par Christophe Colomb le 4 novembre 1493, qui le baptisa «Todos Santos». Ce n'est que le 18 octobre 1648, que ce «Gibraltar des Antilles» devient une possession française, et fera l'objet dès lors de nombreuses batailles de colonisation entre les deux principales puissances navales de l'époque : la France et l'Angleterre. La plus célèbre eu lieu le 12 avril 1782, vers la fin de la guerre d'indépendance des États-Unis et entre dans l'histoire sous le nom de «Bataille des Saintes». Les vestiges de ce passé militaire sont encore visibles et font partie du patrimoine culturel de l'archipel. Aujourd'hui, les Saintes forment une dépendance administrative du département d'outre-mer de la Guadeloupe et sont définitivement intégrées à la République française, en tant que communes.


Les îles des Saintes ne s’étendent que sur 12,8 km2 mais elles sont caractérisées par un  littoral conséquent. Les 22 km des côtes de l'archipel sont dépourvus de récifs mais leurs fonds rocheux sont tapissés de coraux. Les fonds sableux sont eux plus ou moins colonisés par des herbiers de Phanérogames marines.
Depuis une trentaine d'années, les Saintes sont devenues un lieu touristique d'envergure et cette activité constitue désormais la plaque tournante de l'économie locale. Terre-de-Haut accueille de nombreux bateaux de plaisance qui mouillent dans l'anse du Bourg, « une des plus belles baies du monde » d'après l'évaluation faite par le "club des plus belles baies du monde". L'hôtellerie et les chambres d'hôtes prolifèrent, sans pour autant dénaturer cet archipel qui a su rester sauvage. La baie attire yachts de luxe, paquebots et grands voiliers qui croisent dans les Antilles. Terre-de-Haut reçoit annuellement plus de 380 000 visiteurs.

Philéas à la découverte des Saintes

Après avoir dépassé le «Pain de Sucre » nous faisons route vers Terre de Haut et nous amarrons à une bouée d'amarrage disponible devant le bourg des Saintes. Nos amis du voilier Pen Gwen (un RM 1200) arrivés la veille nous saluent au passage. Nous débarquons et découvrons une jolie petite ville bien entretenue. La rue principale est bordée de petites boutiques proposant vêtements estivaux, souvenirs et produits locaux. Le Bourg est charmant mais les Saintois ne sont pas très accueillants. Ils dédaignent répondre à nos saluts, détournent la tête ou nous fixent d’un regard sans expression. L’affluence de touristes serait-elle la cause d’une si grande indifférence ? Ici pas ou peu de métissage, les autochtones ont la peau et les cheveux clairs. Terre de Haut, île trop sèche pour supporter la culture de la canne à sucre, n’a pas connu la main d’œuvre servile.

Les Saintes  -Anse du Bourg (Terre de Haut)
Nous nous rendons au Fort Napoléon situé au sommet du morne Mire, à 114 mètres d’altitude. Transformé en musée, il relate l'histoire des Saintes et la bataille de 1782 qui a opposé les escadres des amiraux De Grasse et Rodney. La forteresse est assez bien restaurée et entourée de douves non remplies. Le jardin entourant le fort surplombe la baie en arc de cercle des Saintes et son Pain de Sucre, sentinelle avancée veillant sur  Terre  de  Haut.

En début d'après midi nous continuons à entretenir notre forme et prenons la route du sud, celle menant à l’anse à Cointe. Cette anse nichée au pied du fameux Pain de Sucre, berceau du tourisme à Terre de Bas, héberge l’hôtel du Bois joli du nom de la pointe le jouxtant. Cet hôtel fut le premier à être implanté sur l’île en 1969. Bien entendu il a été rénové et modernisé depuis. De la plage les heureux clients peuvent observer en toute quiétude les orgues de basalte du Pain de Sucre. 

Les Saintes - village de Terre de Bas
Le lendemain matin nous larguons le corps mort(1) pour nous rendre à Terre de Bas, beaucoup moins courue que sa sœur saintoise. Aucun voilier n’est mouillé anse Fideling, anse réputée « rouleuse » par houle de secteur Est et Nord-est. La mer n’est pas toujours inhospitalière et aujourd’hui nous accueille avec bienveillance. Nous nous présentons au milieu de cette petite baie et y jetons l’ancre à proximité de barques de pêcheurs. Nous apprécions le calme et la sérénité du lieu et nous en imprégnons silencieusement. Nous saluons un pêcheur coiffé d’un salako, chapeau traditionnel, Il détourne la tête et ignore notre salut. Décidemment les Saintois ne sont guère sympathiques. Nous regrettons la gentillesse et la politesse de Marie-Galantais.
  
 Anse Fideling (Terre de Bas)
Des rafales tournantes, apparemment fréquentes ici, s’engouffrent dans l’anse. Le vent taquin a décidé de jouer avec Philéas et le fait valser au gré de son humeur. Christian préfère rester à bord. Je pars donc seule à la découverte de l’île tout d’abord en direction du village aux habitations beaucoup plus disséminées qu’à Terre de Haut. Puis je me dirige vers Grande Anse d'où j'observe longuement les "grands gosiers", survolant la mer à la recherche d'une proie et plongeant lourdement dans l'eau, technique de pêche "de poids" très surprenante... Un vieux monsieur vient s'entretenir avec moi sur le ballet de ces pélicans. Enfin un saintois cordial !

 

                  Grands Gosiers (pélicans)

Ma carte indique une table d'orientation sur la route du Nord. Sans hésitation, j'emprunte, sous un soleil brulant, cette voie à forte inclinaison. Mes mollets souffriront bien un peu d'exercice. Le détour vaut l'énergie dépensée : le panorama est grandiose ! Je reste comme hypnotisée par cette vue enchanteresse de la baie de l'archipel des Saintes. Face à moi s'étalent en arrière plan de gauche à droite, la Guadeloupe, la Désirade, Marie Galante et la Dominique. Au premier plan l'intégralité de l'archipel des Saintes, de l'îlet Cabrit à l'ouest aux Augustines à l'est, est peinte comme sur un tableau géant. Philéas  est là aussi, à une centaine de mètres sous mes pieds, au mileu de l'anse Fideling, occupé à s'éviter au gré du vent. J'engage la discussion avec un saintois surveillant apparemment ses chèvres. Nous échangeons quelques mots sur la vie  à Terre de Bas et sur les techniques de pêche. Je vais finir par me réconcilier ave les saintois ! S'ils étaient tous comme cela..... 

Archipel des Saintes
Sur le chemin du retour, je fais une halte chez un artisan réalisant des salakos. Il est ravi de me faire découvrir de plus près ce fameux chapeau introduit par des tirailleurs annamites à la fin du XIXème. Fabriqué en fibres végétales de bambou, au bout pointu et originaire d'Indochine, le salako est traditionnellement recouvert de tissu blanc sur le dessus et de  bleu en dessous. Mais il peut également être habillé de tissu madras. 

Salako
Une houle de sud-est rend le mouillage inconfortable. Nous levons l'ancre et allons nous installer au pied de l'ilet Cabrit. Cette petite île n'est aujourd'hui habitée que par des cabris, des poules... et un anachorète vivant d'artisanat. Mais la vie ne fut pas toujours de tout repos sur ce petit bout de terre. Tour à tour pièce maitresse de la défense de la rade contre l'ennemi de par sa position stratégique, prison de femmes puis boite de nuit, il garde encore les stigmates d'une histoire bien particulière. Aujourd'hui le conservatoire du littoral est propriétaire du l'îlet et veille au respect de sa faune et de sa flore.

En fin de journée, une forte houle de nord s'installe et rend l'ensemble des principaux mouillages de l'archipel très inconfortable. Au pied de l'ilet Cabrit nous sommes épargnés et restons là quelques jours en attendant une accalmie pour pousuivre notre route. La côte ouest de Basse Terre, notre prochaine destination, n'offre pas de bon abri par houle de secteur nord. Nous assistons à la fuite des voiliers mouillés au pied du Pain de Sucre, au balancement  incessant de ceux amarrés aux bouées du Bourg des Saintes et à l'arrivée nocturne de plaisanciers ballotés par une houle insupportable n'ayant qu'une envie : trouver un petit coin abrité pour pouvoir dormir.

Retour en Guadeloupe

La mer s'est assagie, les effets du front froid venu du nord se sont dissipés. Nous mettons les voiles pour rejoindre la côte ouest de la Guadeloupe qui sera la dernière étape de notre séjour guadeloupéen. A Petite Anse nous avons rendez-vous avec Claire, copropriétaire du voilier Clara lors de notre rencontre aux Canaries. Rattachée en qualité de membre d'honneur à la transat, par le président de notre club et organisateur du Medatlan, Clara a intégré le rallye  de La Palma à la Martinique. Claire a jeté son sac à terre depuis peu et s'est installée en Guadeloupe. Elle nous accueille à bras ouverts. Nous passons trois journées très agréables en sa compagnie et faisons la connaissance de ses amis fort sympathiques. Avec Georgi nous découvrons la véritable Guadeloupe, pas celle survolée par les touristes. Histoire de l'île, culture guadeloupéenne ou encore phénomènes de société, Georgi est intarissable. Nous prenons plaisir à l'écouter et à échanger avec lui.

Christian et Claire - Petite Anse
Nous quittons Petite Anse pour les îlets Pigeon, mieux connus sous le nom de réserve Cousteau. Claire embarque à bord de Philéas, prête à explorer les fonds sous-marins réputés pour leur beauté. Pendant près de deux heures nous nageons dans un aquarium géant tapissé de coraux aux formes excentriques : corail cerveau, corail balle de golf, corail cierge, corail corne de cerf, corail corne d'élan ou encore corail de feu. L'eau claire laisse s'infiltrer les rayons du soleil qui mettent en exergue les couleurs chatoyantes des poissons perroquets, des chirurgiens bleus, des anges des Caraïbes, des girelles clowns, des demoiselles bicolores pour ne citer que ceux là. 
                  
Le lendemain en milieu d'après midi nous prenons congé de Claire avec regrets et appareillons pour notre dernière escale guadeloupéenne, l'anse Deshaies. Très vite la pluie fait partie du voyage sans y avoir été conviée. Elle est habituellement la bienvenue mais uniquement en soirée ou la nuit pour le dessalage de Philéas..... S'agirait-il d'un quiproquo?

A proximité de la pointe Deshaies nous sommes accueillis par deux dauphins qui nagent devant l'étrave de Philéas et semblent nous indiquer la direction à suivre. Nous ne nous lassons jamais de ces moments privilégiés et en oublions la pluie persistante.

La baie de Deshaies entourée de collines et de montagnes abrite un pittoresque village de pêcheurs où nous nous sommes arrêtés lors de notre tour terrestre de l'île. Nous ne nous y attarderons pas cette fois, notre appareillage pour Antigua est prévu pour le lendemain à l'aube.

http://www.fleursdesiles.net/wp-content/gallery/guadeloupe-deshaies/fleurs-des-iles-88.jpg
Baie de Deshaies

 

                                                                                   



(1) bouée de corps mort : bouée, reliée à une grosse masse de béton posée sur le fond, servant d'amarrage à un bateau


mardi 10 avril 2012

12 - PHILEAS EN GUADELOUPE - TOURISME A BASSE TERRE


Vendredi 23 mars 2012 -  7 heures du matin – Retour  vers La Guadeloupe


Par vent d’est de force 3, nous laissons derrière nous les îles de la Petite Terre et faisons route vers la capitale guadeloupéenne. Après une navigation au près, nous arrivons six heures plus tard en vue du bourg de Gosier. Nous  changeons de programme et y jetons l'ancre. Nous rejoindrons plus tard la marina de Bas du Fort, située à 3 nautiques. Je viens de lire dans le guide de croisière de Chrys Doyle que le vendredi à partir de 16h00 est jour de marché. Je souhaite y parfaire notre avitaillement.
Nos amis d'Athos sont là, mouillés non loin de l’ilet Gosier. Partis une heure après nous de Petite Terre, ils ont fait route directe, mais au moteur.... Raoul est fier de nous annoncer qu'il a pêché un beau thazard et nous invite à venir le partager le soir même. Pendant qu'il nettoie sa prise, nous partons avec Marie-Ange au marché. Nous y trouvons un panel varié de produits locaux : fruits et légumes bien sûr mais aussi du boudin créole et des plats locaux qui ne demandent qu'à être goûtés. Je peux recommander le boudin préparé par "mamy boudin". Ils sont tout simplement exquis.  Quelques stands d'artisanat sont également déployés.

Nous sommes à peine de retour sur Philéas que Maéla et Yves de DEO GRATIAS, voilier medatlantiste passent nous saluer. Nous sommes ravis de les revoir.

Opération maintenance

Il est grand temps maintenant d'aller à la marina pour tirer au clair cette histoire de sail drive. Christian a fait une vidange il y a un mois mais reste inquiet. Il est fort probable qu'il faille changer le  joint de l'hélice (joint SPI). Nous accostons donc à la marina du Bas du Fort pour une  semaine chargée : dessalage, nettoyage intérieur, extérieur, lessives et entretien divers (inox à astiquer, annexe et défenses à rafraîchir...) et quelques travaux de maintenance. Philéas débute sa période d’indisponibilité pour entretien(1) ! Rien à voir avec des vacances, les marins le savent bien.

Christian va s'enquérir de l'avis du technicien de VOLVO PENTA pour le sail drive. Pas de doute, il faut sortir Philéas de l'eau et changer le joint SPI. Le technicien préconise un remplacement tous les ans. La notice technique n'en fait aucunement mention, nous ne l’avons donc pas fait avant notre départ de Toulon. Rendez-vous est pris pour une mise à sec en fin de semaine.

La marina est un lieu de rassemblement de RM. Nous en avons rarement rencontrés autant, nous les méditerranéens. Ce type de voiliers fréquente davantage les côtes atlantiques. Bel ami, Pen Gwen déjà rencontrés l'un à Mindelo et l'autre à la Dominique mais aussi Coquelicot, nous sommes tous sur le même ponton. Zedibule quant à lui a pris une bouée en face du ponton mais nous n'avons pas vu son propriétaire. Les RM semblent avoir rendez-vous aux Antilles cette année ! Lorsque nous évoquons notre problème de sail drive, ni Bel ami, ni Penn Gwen ne sont informés que le joint doit être changé. La notice du constructeur mériterait d'être complétée !

Jeudi 29 mars, Philéas met les pieds sur terre (enfin les quilles). L'hélice est démontée, nettoyée, polie, le joint objet de nos inquiétudes est changé. La vidange est faite. Nous profitons de ce passage hors de l'eau pour rafraîchir la coque. L'opération est rapide. Nous avons déjà nettoyé la coque avec ventouses et éponges il y a une dizaine de jours. Nous ne pouvons que nous réjouir d'avoir choisi le traitement Océoprotec à base de cuivre. Les algues et coquillages ne l'apprécient pas et le nettoyage de la coque en est facilité.
Le capitaine est rassuré, Philéas a retrouvé sa bonne santé. Nous allons pouvoir passer à la séquence tourisme.   

Opération tourisme

Pont de la Gabarre
 La forme de la Guadeloupe ressemble  à un papillon comme je l'ai déjà énoncé. La rivière salée, bras de mer séparant les 2 ailes, débouche au sud sur le Petit cul de sac du marin et au nord sur le Grand cul de sac du marin. S'y aventurer n'est pas un jeu d'enfant pour un voilier.  Le mât ne passe ni sous le pont de la Gabarre ni sous le pont de l'Alliance reliant les deux ailes et les fonds dans cette mangrove sont peu profonds. Il faut attendre l'unique ouverture journalière du pont à 5h00 du matin.  Ce canal est un raccourci intéressant pour rejoindre les îles situées au nord de l'arc antillais. Notre prochaine destination étant les Saintes situées au Sud, un réveil aussi matinal ne s'impose pas. 
la mangrove
 Aussi la formule proposée par l'aquarium nous convient tout à fait : une demi-journée à la découverte de la mangrove et du grand cul de sac du marin. Nous remontons la rivière salée en bateau à moteur accompagné d'un guide naturaliste, moniteur de plongée. La traversée est ponctuée de commentaires instructifs et d'arrêts fréquents pour nous laisser le temps d'observer. Pas de doute une navigation de nuit avec Philéas ne nous aurait pas permis de contempler cette rivière peu ordinaire. Nous débouchons ensuite sur un immense lagon fermé par un récif de corail de 25 km de long. Notre guide se fraye un passage dans ce dédale de madrépores. 

Non loin de la barrière corallienne, équipés de palmes, masque et tuba nous nageons et plongeons dans cet aquarium géant pour le plus grand plaisir des yeux.
 

raie
     

                                                              
Plongée au grand cul de sac

 Séquence "agriculture"

Visite de la plantation Grand Café. Il ne s'agit aucunement de la production de café comme son nom pourrait le laisser supposer mais de bananes. L'habitation est vieille d'un siècle et le domaine s'étend sur une centaine d'hectares. Laurent, 3ème génération de planteurs, nous fait découvrir l'art de cultiver la banane et visiter la propriété familiale. Les bananes -des Cavendish-  sont récoltées lorsqu'elles sont conformes au cahier des charges de l'acheteur, c'est à dire encore vertes et d'un calibre pré-requis. Les régimes sont chargés sur des remorques, puis transportés dans le hangar de tri où ils sont suspendus. Les bananes en sont détachées, triées manuellement avant d'être lavées et emballées dans des cartons. Toute la production est destinée à l'exportation vers la métropole.. La banane doit impérativement arriver encore verte sous peine d'être refoulée par le grossiste. L'exploitation est gérée de manière à obtenir une récolte par semaine tout au long de l'année.

tri et lavage des bananes "Cavendish"
bananes suspendues dans le hangar après la récolte 
Séquence "nature et civilisation"

L'éco musée de Guadeloupe présente un arboretum dévoilant une riche collection d'espèces tropicales dont certaines sont en voie de disparition tels les vanilliers, les canneliers, les muscadiers, les poivriers... Nous y avons apprécié les informations sur les utilisations traditionnelles et scientifiques des plantes. Des scènes de la vie quotidienne d'antan, culture du cacao notamment, y sont reproduites. Une allée est consacrée à la civilisation caribéenne. Nous regrettons toutefois un manque d'entretien des vitrines d'exposition et la longueur de la vidéo portant sur la fabrication du bâton de cacao. Ce musée se targuant d'être le témoin des traditions ancestrales manque un peu de couleur.

Séquence " halte gourmande"

Friande de chocolat, je ne pouvais passer à côté de la maison du cacao sans y faire une halte. Au cours d'un parcours didactique dans une cacaoyère, l'art de cultiver le cacao, l'origine du chocolat et sa fabrication sont retracés ici. Le profane y apprend qu'il existe trois sortes de cacao : le forastero, le criollo et le trinitario. Le forastero, originaire d'Amazonie, est le plus courant, et représente plus de  80% de la production mondiale. Le criollo, originaire d'Amérique centrale, donne un cacao fin mais fragile car sensible aux maladies  et représente à peine 5% du marché. Le trinitario, espèce hybride originaire de Trinidad obtenue aux alentours du XVIII° siècle à partir du croisement du forastero et du criollo constitue le reste du marché. 
cacaoyer
La récolte des cabosses (fruits du cacaoyer) a lieu deux fois par an et dans les régions très humides la cueillette peut s'étendre toute l'année. Elle s'effectue lorsque les fruits sont mûrs, la maturité étant estimée à la couleur des cabosses. La cueillette, opération délicate nécessite dextérité pour détacher le fruit de l'arbre sans endommager le pédoncule, les fleurs ou les bourgeons afin de ne pas compromettre la récolte suivante. Les outils utilisés sont le coutelas, le sécateur et l'émondoir. L'écabossage consiste ensuite à ouvrir le fruit avec une machette pour en extraire les graines de cacao. Celles-ci sont ensuite séparées du rachis auquel elles sont rattachées. Cette opération est manuelle. La fermentation débute 24 heures après l'écabossage et permet à la graine de se libérer de son mucilage, de provoquer des réactions chimiques et enzymatiques qui donneront naissance aux précurseurs d'arôme et de couleur chocolat. Le séchage permet alors de réduire le taux d'humidité des graines de 60 à 8 %.  Il s'effectue au soleil avec un brassage régulier des graines. C'est à ce stade que les grains prennent le nom de fèves de cacao. Une fois séchées les graines sont contrôlées et triées puis stockées pour l'exportation ou transformées sur place. La fève peut alors être torréfiée, dépouillée de sa peau, pillée et broyée pour donner une pâte molle.

cabosses
La visite s'achève par un commentaire instructif sur la fabrication de la pâte de cacao et par une dégustation de chocolat des îles en pur cacao....

Séquence  "botanique"

Ouvert au public depuis le 1er avril 2001, le jardin botanique de Deshaies est une petite merveille pour les passionnés de nature et les amateurs de plantes tropicales. 800 espèces végétales et quelques espèces animales (Loris, perroquets, flamands roses, poissons koï…) ont été introduites sur les hauteurs du bourg de Deshaies.


 



                          Banian -   Lori

Dans ce jardin tout appelle à l’émerveillement et à la détente. Les plates-bandes s’ourlent d’esthétiques bordures, les sous-bois s’égayent de tapis colorés, les arbres s’ornent de plantes épiphytes (fougères, orchidées, philodendrons…) et ressemblent à des jardins suspendus. L’ensemble du site traduit le souci du détail et reflète le soin apporté à son entretien. Ici l’intérêt botanique s’associe au plaisir des yeux. Les chemins incitent à la flânerie, des bancs invitent à profiter des plus beaux points de vue et à rêver.
 


    
 jardin suspendu (plantes épiphytes) 

               fleur de lune  
  
                                                                                                                                               

La beauté du lieu, idéalement situé, n’avait pas échappé à Michel Colluci alias Coluche qui en fit l’acquisition en 1979. Michel Gaillard, ami de l’humoriste et paysagiste d’intérieur, y installa une pépinière en 1985. Mais le décès de Coluche remet l’avenir de la propriété en question. Michel Gaillard la rachète en 1991 avec l’intention d’y créer un jardin botanique. Le résultat est surprenant, le paysagiste a gagné son pari.
ex-villa de Coluche reconstruite en 1993 après le cyclone Hugo

Après deux semaines à quai il faut songer à hisser les voiles si nous ne voulons pas perdre le pied marin.... Notre destination suivante sera l'archipel des Saintes.


    
Basse Terre (Guadeloupe)










(1) l'indisponibilité pour entretien est une période plus communément appelée I.E. dans la marine nationale. Marine à voiles ou marine à moteurs passent par les mêmes contraintes finalement. A ceci près que notre I.E. sera plus courte que celle d'une frégate... Fort heureusement !