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mercredi 22 juillet 2015

NOS COUSINS CANADIENS NOUS ACCUEILLENT


La tempête tropicale « Claudette » s’éloigne. Les yeux rivés sur les cartes de prévisions météorologiques de la NOAA(1), nous sommes rassurés.  Une dernière consultation du site de gestion des cyclones de Miami et nous larguons les amarres sans attendre davantage.

Après deux mois et demi de navigation dans les eaux américaines, le pavillon étoilé est affalé : la silhouette des côtes américaines s’estompe.  Philéas maintient son cap toujours plus loin et toujours plus nord. Bientôt une feuille d’érable rouge sur fond blanc est hissée dans la mature. Lunenburg, petite ville de Nouvelle Ecosse aux maisons multicolores comptant un peu moins de 3 000 âmes accueille la poignée d’irréductibles MédHermionistes. Mais la débandade annoncée se précise ; le cercle des fidèles de l’Hermione se réduit à quatre voiliers lors de son escale dans le berceau de l’Acadie. Trois retardataires font l’école buissonnière et rejoignent la bourgade canadienne après quelques détours.


Port de pêche et ancien centre de construction navale d’importance,Lunenburg n’est guère équipée pour recevoir des
plaisanciers mais la municipalité met gracieusement à la disposition des navigateurs venus d’outre-Atlantique des pontons au cœur de la ville. Ils sont sympathiques ces canadiens, toujours prêts à se mettre en quatre pour nous aider… 

Que se passe-t-il donc aujourd'hui ?

10h00 les carillons de l’église St John, située en surplomb des quais, annoncent l’arrivée de la belle frégate : 21 coups de canons jaillissent de l’Hermione et se perdent dans les rues de la cité hôte en signe de salut. Un phoque intrigué par ce tapage  inhabituel, pointe sa tête hors de l’eau, tandis que deux cents personnes se pressent sur les quais pour admirer la grande dame venue de France.



Philéas accueille la belle frégate
En signe de courtoisie, la marine canadienne a spécialement mandaté pour l’occasion un navire de guerre pour accueillir et escorter aux abords de Lunenburg la frégate française. Une trentaine de bateaux locaux viennent la saluer de près dont la très belle et non moins populaire goélette Bluenose II, réplique de la Bluenose qui remporta le trophée de la course entre pêcheurs de la côte Atlantique entre 1921 et 1938. 
Accueil des Acadiens
Sous les yeux d’une foule captivée, l’Hermione accoste bâbord à quai devant le musée des pêches de l’Atlantique, pour une escale courte mais de forte intensité. L’équipage entonne une série de chants de marins pour le plus grand plaisir des spectateurs.

Les couleurs du club nautique de la marine à Toulon intriguent la population, admirative de notre engagement et de notre constance. La durée, surtout, de notre croisière l’interpelle, 10 à 11 mois, plus qu’une campagne de pêche !


 Rachel Bailey, maire de Lunenburg

La presse et la télévision locales s’intéressent à ce noyau dur de MédHermionistes et dépêchent cameramen et journalistes pour une interview. Les autorités présentes sur le quai, plus accessibles qu’aux Etats-Unis,  s’entretiennent en toute simplicité avec la flottille accompagnatrice. 

La verve si théâtrale des « dignitaires » étasuniens est restée de l’autre côté de la frontière américano-canadienne. Les discours, d’un style pionnier plutôt agréable, débutent avec l’allocution des notables locaux.




L’accent est mis sur les relations amicales franco-canadiennes que l’Hermione consolide par cette escale, la dernière en Amérique du Nord dans cette ravissante petite ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Patrice, notre nouvel équipier, ancien de Médatlan et de MédHermione 1ère phase, toujours aussi dynamique et bout en train nous rejoint dans cette bourgade de Nouvelle Ecosse avec un rayon de soleil méditerranéen dans son sac, rayon qui malheureusement ne sera qu’éphémère...





Ah le Canada ! Tout est grand ici : les paysages, les routes, les camping-cars (de la taille d’un bus parfois et remorquant leur propre 4X4 pour les petites courses en ville). Ah ces Canadiens ! Ils sont fiers de leur passé de colons et cet esprit se ressent dans leur façon d’être et de se comporter.  

Si le thermomètre affiche depuis notre approche des côtes canadiennes une chute significative, l’accueil spontané et chaleureux de la population nous réchauffe le cœur. Ce souvenir restera gravé dans nos mémoires. « Les gens du nord ont dans le cœur le soleil qu’ils n’ont pas dehors(2) ». 

Cette escale est bien courte mais nous avons encore du chemin pour rejoindre St Pierre et Miquelon, notre prochaine destination. Nous n’oublions pas que notre route nous met en plein sur la trajectoire des dépressions qui, elles-aussi traversent…


Les nuits commencent à devenir fraîches et les duvets et couvertures, sortent des soutes. Le courant du Labrador, cela n’a l’air de rien quand on le voit mentionné sur une carte marine, mais c’est bien lui le responsable. Lunenburg se trouve à la latitude de Bordeaux, mais à Bordeaux au mois d’août, qui se pare de deux polaires et d’un ciré complet, sans compter le bonnet, pour naviguer ? De surcroît, au près serré, Philéas avance peu dans la bonne direction. Au bout de deux jours de mer et suite aux grognements de l’équipage et de l’annonce de vent fort, le skipper se laisse fléchir et le dernier bord de près, judicieusement choisi, nous amène tout droit à Louisbourg situé sur l’ile du Cap Breton, notre dernière courte escale canadienne.


Louisbourg, a longtemps été un important port morutier de transformation et ce, dès le XVIIIème siècle ; sa rade bien protégée des glaces et des tempêtes attirait de nombreux bateaux de pêche dont bien sûr beaucoup de Français. Une forteresse bâtie sous Louis XV témoigne encore de ce passé français.


Brume et froid sont au rendez-vous, certes, mais l’accueil agréable des locaux, le plaisir d’une dernière escale canadienne attrapée à la volée et l’attrait de l’inconnu effacent vite ces désagréments. Un repas gargantuesque de crabes des neiges et l’équipage rassasié et reposé est enclin à reprendre la mer. 150 nautiques nous séparent de St Pierre et pas des moindres, il nous faut traverser l’embouchure du St Laurent réputé pour ses violents coups de vents, sa brume persistante et ses nombreux pêcheurs fréquentant les bancs du large. Et bien ma foi, il y a sans doute une bonne étoile pour Philéas, bien qu’elle soit restée dans le brouillard, cette petite traversée reste clémente. Nous avons cependant hâte de mettre un peu de sud dans notre est….



 BREVE Présentation de LUNENBURG

La ville de Lunenburg est située sur un isthme reliant la presqu’île de Blue Rochs au continent. Elle est bordée au sud par le havre de Lunenburg et au nord par le havre arrière de Lunenburg.

Répondant à une publicité lancée en 1749, environ 2700 protestants étrangers s’établissent à Lunenburg en 1753, la ville devient alors la seconde colonie britannique en Nouvelle Ecosse après Halifax. Les premiers colons proviennent principalement de la vallée du Rhin, en Allemagne, des cantons francophones et germanophones de Suisse et de la principauté de Montbéliard. La couronne britannique encourageait l’établissement de ces immigrants protestants pour peupler la région et éviter le retour des Acadiens catholiques

La vieille ville de Lunenburg est devenue un site historique national en 1992 et est classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1995 afin de d’assurer la protection de l’architecture unique de Lunenburg, modèle de style colonial britannique en Amérique du Nord.

Fait intéressant encore, la réplique du Bounty figurant dans le film « Les révoltés du Bounty » (film tourné en 1962) a été construite au chantier naval de Lunenburg dans les années 1960. Il en est de même pour la réplique du Rose apparaissant dans le film Master and commander – de l’autre côté du monde-.


au sujet de Louisbourg

Au cours des années 1620 le roi Charles 1er d’Ecosse et d’Angleterre envoya une troupe d’Ecossais pour fonder une colonie sous le nom de Novia Scotia(3). A cet effet il fonda le baronnetage de Nouvelle Ecosse ; ceux qui désiraient acquérir le titre nobiliaire de Baronnet devaient s’acquitter d’une taxe servant à l’établissement de la colonie et ils recevaient en contrepartie une dotation en terres. Or, lors de la signature d’un accord de  paix avec la France, la Couronne écossaise/anglaise céda le territoire à la France et les colons écossais durent abandonner leur mission.

La colonisation française se poursuivit dans toute la région des provinces maritimes actuelles, en étant centrée sur ce qui constitue aujourd’hui la péninsule de Nouvelle Ecosse. Cette Acadie péninsulaire tomba toutefois sous juridiction britannique après le traité d’Utrecht en 1713. Une Acadie sous contrôle français perdura dans l’île Saint Jean (île du Prince Edouard) et l’île Royale (île du Cap Breton). Le Nouveau Brunswick actuel était alors un territoire disputé.
Suite à la perte de l’Acadie péninsulaire, la forteresse française de Louisbourg fut construite sur  l’île Royale afin de permettre aux marchands et aux pêcheurs de commercer et de pêcher la morue. Louisbourg a également joué un rôle stratégique de surveillance des approches maritimes en provenance du fleuve Saint Laurent. Louisbourg fut prise par les forces continentales britanno-américaines, puis retournée à la France en 1748 (à la fin de la guerre de Succession d’Autriche). Pendant la guerre des Sept Ans, elle retourna aux mains des Britanniques en 1758, avant la conquête de Québec. La ville fut rasée et ses habitants déportés en France.



Trajet Boston - Nouvelle Ecosse-Cap Breton- St Pierre et Miquelon




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(1)    Carte NOAA : carte météo élaborée par des prévisionnistes du National Oceanografic & Atmosferic Agency contrairement aux fichiers GRIB qui ne délivrent que des données brutes.
(2)     Les gens du nord : chanson d’Enrico Macias.
(3)     Nouvelle Ecosse

mercredi 8 juillet 2015

SUR LES TRACES DE LAFAYETTE

Il semblerait que le temps s’égrène plus vite aux Etats-Unis, le temps du farniente dans les îles Caraïbes est bien loin. . Depuis l’arrivée de la frégate Hermione en Virginie, voilà plus d’un mois, nos escales se multiplient.  Philéas est entraîné dans une dynamique que rien ne saurait perturber.

L’Hermione a rendez-vous à Alexandria, en Virginie également. Philéas choisit de s’épargner un détour de 300 miles sur la Potomac River où la navigation est bien souvent réalisée au moteur. Nous mettons le cap sur Annapolis, l’étape suivante, pour le plus grand bien de nos oreilles et de notre VOLVO PENTA et allons accueillir, une fois n’est pas coutume, l’Hermione par la route.

Là aussi une population enthousiaste se presse sur le quai pour accueillir la frégate tant attendue. Un copieux petit déjeuner est offert par la municipalité, les viennoiseries françaises sont très prisées, nous ne résistons pas à la tentation de gourmandise… Nos interlocuteurs curieux et intéressés s’extasient devant ce qu’ils considèrent comme audacieux : une traversée de l’Atlantique depuis le Sud de la France sur un bateau aussi si petit pour rejoindre la côte Est américaine. Il est vrai que pour les non-initiés, notre périple peut paraître un peu fou, alors qu’il est  devenu presque banal pour nous, un peu fou et surtout extraordinaire.

Alexandria est une ravissante cité portuaire fondée en 1749 par des marchands écossais (dont John Alexander qui donna son nom à la ville). Centre de négoce majeur, les bateaux y faisaient escale avant de se diriger vers le Royaume Uni. Elle faisait partie du district de Columbia avant d’être rattachée à la Virginie en 1847. Pittoresque avec ses trottoirs de briques et ses maisons de style fédéral, le duc de la Rochefoucauld-Liancourt dit d’ailleurs à son sujet en 1796 : « Alexandria est, au-delà de toute comparaison, la plus jolie ville de Virginie ».

Pour une fois nous sommes motorisés, et en profitons pour nous rendre à Arlington, au cimetière national militaire, dernière demeure de 290 000 soldats tombés à la guerre, anciens combattants des guerres américaines, de la guerre d’Indépendance aux derniers conflits du XXI° siècle. Les américains, très patriotes, n’oublient pas les hommes et les femmes qui ont donné leur vie pour leur pays, ils les honorent et entretiennent moult mémoriaux. Crée durant la guerre de sécession sur les terrains d’Arlington house, l’ancienne propriété de l’épouse du général Lee, le chef des Armées confédérées, il est situé exactement en face de Washington DC, de l’autre côté du Potomac à côté des bâtiments du Pentagone.
La tombe des soldats inconnus est l’un des sites les plus populaires du cimetière. Elle abrite les soldats inconnus des 1ère et seconde guerres mondiales, des guerres de Corée et du Viet Nam. Grand tombeau de marbre provenant du Colorado, il est situé sur une colline surplombant directement Washington. Un garde y  est en faction 24h sur 24. Une horloge dans la tête, il se déplace à intervalles réguliers d’un bout à l’autre du chemin dallé situé devant le tombeau.  La relève de la garde est un rituel bien établi au cours duquel prenant et quittant répètent un scénario bien orchestré. La mise en scène est parfois excessive à mon sens ; mouvements de tête saccadés et répétés, fusil tournant en tous sens simulant l’inspection plus que minutieuse de l’arme du garde relevé. La démonstration est assez théâtrale.  

Parmi les nombreux emplacements du cimetière les plus connus sont les mémoriaux dédiés aux astronautes disparus dans les catastrophes des navettes spatiales Challenger et Columbia, et le mémorial du Pentagone en l’honneur aux 184 victimes de l’attentat du 11 septembre.
Plus loin est érigée  la tombe du président John Fitzgerald Kennedy, de son épouse Jacqueline et de leurs deux enfants. Après la mort de son époux Jacqueline s’est inspiré du modèle français de la flamme éternelle de la tombe du soldat inconnu sous notre arc de triomphe. Une flamme permanente brûle au centre du mémorial familial.  

La durée de notre escale ne nous permet qu’un survol de la capitale fédérale des Etats-Unis. Contrairement à la majorité des grandes villes américaines Washington DC ne regorge pas de gratte-ciel. La plupart des immeubles restent à taille humaine à l’instar des grandes capitales européennes qui lui ont servi de modèle. Pour cette même raison son plan est assez aéré, composé de vastes avenues bordées d’arbres et de nombreux espaces verts. Il est relativement facile de se repérer ; Washington est divisé en 4 quadrants (NW-NE-SW et SE). A leur intersection s’érige le Capitole.
En revanche le stationnement devient vite un enfer. Les parkings sont la plupart du temps complets et les places disponibles le long des trottoirs rares. Il est d’ailleurs impossible de rester au-delà de 2 heures d’affilée. Les contrôles sont fréquents et les amendes de l’ordre des 100 dollars dissuadent les contrevenants potentiels. Il nous est arrivé de tourner pendant plus d’une heure pour trouver un emplacement vacant.

Les musées à Washington sont légion et la plupart sont gratuits. La ville peut se prévaloir de promouvoir la culture pour tous. La découverte des musées fait partie du programme scolaire. Nous rencontrons régulièrement des classes entières accompagnées de leurs professeurs. Chaque groupe est identifiable à un tee shirt uniforme, aucune crainte de perdre un étourdi.  C’est l’organisation américaine !

Nous axons nos visites sur les trois quartiers les plus populaires de la capitale Downtown, National Mall et Capitol Hill. Le musée de l’Air et de l’Espac, très réputé, ouvre le ban de notre séjour culturel. L’aventure spatiale y est comptée. Des appareils aérodynamiques comme le Spirit of St Louis de Lindbergh ainsi qu’une reconstitution de la navette Apollo 11 notamment sont exposés.
Le mémorial de la guerre de Corée est assez particulier. Il représente un groupe de 19 soldats qui avancent sous la pluie sur le champ de bataille. Un mur de granit aligne le nom des 58249 victimes (morts et disparus).

Notre programme de visite est dense : Capitole, Maison Blanche, mémoriaux. Les semelles de nos chaussures s’en souviennent et au final pas de temps pour la flânerie : Dommage mais l’Hermione appareille et nous avons rendez-vous dans le Maryland.





A Annapolis l'accueil de la population, sa gentillesse et sa serviabilité légendaires ne faillissent point. La manifestation de l'étonnement des Américains, de leur regard ébahi sur notre aventure nous fait toujours sourire : "It's amazing !!!"
Annapolis, capitale de l'Etat du Maryland située sur la baie de la Chesapeake, fait partie intégrante de la grande agglomération qui regroupe Washington DC et Baltimore.

UN PEU D’HISTOIRE

En 1649, des puritains exilés de la Virginie et menés par William Stone fondent la colonie de Providence sur la rive nord de la rivière Severn. Ce n'est qu'en 1694 qu'elle est nommée Annapolis en l'honneur de la princesse Anne après avoir initialement baptisée Providence par ses fondateurs puritains, puis Anne Arundel's Towne en l'honneur de l'épouse de Lord Baltimore. La ville demeure jusqu'en 1808 un port négrier où les esclavagistes débarquent leurs esclaves, vendus par la suite aux planteurs de tabac ou de coton du Sud. 
Port de pêche prospère, Annapolis devient temporairement la capitale des Etats-Unis après la signature du traité de Paris en 1783. Mais en dépit de sa candidature, la ville ne conserve pas ce rôle. Il est décidé de créer une capitale de toutes pièces à Washington DC. 
Aujourd'hui Annapolis reste célèbre pour son architecture géorgienne. Elle  abrite l'académie navale.


Lors des longs préparatifs de notre croisière, cette escale s’annonçait conviviale, sous le signe d’échanges amicaux entre l’académie navale américaine et les membres du club nautique de la marine, pour la plupart anciens marins voire officiers généraux. Il n’en est rien. L’hospitalité des autorités militaires locales a pris du plomb dans l’aile et les portes supposées ouvertes nous claquent au visage sans explication et sans ménagement. A Annapolis, pas de courtoisie pour cette escale(1) !
La flottille, faute de l’espace de regroupement attendu, se disperse entre mouillages et marinas en attendant la frégate, emblème de l’entre-aide franco-américaine !

Mais il en faut davantage pour ébranler les équipages qui ont traversé l’océan pour suivre les traces de monsieur le marquis(2). Ils poursuivent leur route vers Baltimore, ville typique américaine avec ses grands immeubles, très animée la nuit. Ici l’histoire imprègne moins la mémoire des habitants, le berceau de l’Amérique s’éloigne tandis que nous nous rapprochons de la plus grande ville des Etats-Unis.

 n e w    y o r k

L’arrivée à New York restera gravée dans notre mémoire. Aborder une île, un pays, une ville par la mer, est toujours un moment magique. Une silhouette se dessine au loin, se rapproche lentement et finalement se livre au navigateur. Aussi, imaginez quelle émotion nous a envahis lors de notre approche de New York.
Au milieu de l’Hudson River, la statue de la Liberté, du haut de ses 93 mètres, nous attend depuis 1886, nous souhaite la bienvenue ! C’est tout de même plus émouvant qu’un douanier, aussi aimable soit-il… Nous n’avons d’yeux que pour elle et subodorons l’immense émotion des 17 millions d’hommes, de femmes et d’enfants, convoitant une terre d’asile entre 1892 et 1954, qui l’ont vue au bout d’un voyage parfois éprouvant, se dresser face à eux.
Rive droite, les gratte-ciel sans fin de Manhattan intimident les Européens que nous sommes. Cette verticalité captive, autant qu’elle ne déroute, et éveille un sentiment d’oppression, de malaise, pour les non-initiés aux flirts avec ces géants citadins. Une semaine durant nous les côtoierons, apprendrons à les identifier et même (peut-être) à les apprécier.

A l’issue de notre escale, la crainte de ce gigantisme s’est envolée.  Nous jetons un regard nouveau sur Manhattan, Brooklyn et regrettons déjà de quitter « Big Apple(3) » si vite.


A l’approche du 4 juillet, l’escale de l’Hermione à New York a un parfum particulier : point d’orgue symbolique, la frégate du général Lafayette vient saluer une autre Grande Dame, la statue de la Liberté. Lors de son arrivée, l’Hermione lâche une première salve de canons, salut protocolaire usuel. Les détonations se perdent dans les rues de Manhattan provoquant des dizaines d’appels apeurés aux urgences et la mobilisation des commissariats et…. presque la mise aux arrêts du commandant de l’Hermione. Car New York n’est pas une ville comme les autres, elle reste meurtrie dans sa chair par l’attentat du 11 septembre 2001. Le commandant de la frégate ignorait cette phobie persistante tout comme il ignorait que New York ne l’attendait pas ! L’évènement semble ne pas avoir été médiatisé et Pier 15 une petite centaine de personnes de cette mégalopole, tout au plus, fait honneur au retour de la frégate de la Liberté. La plupart sont des Français résidents ou venus de France spécialement pour la circonstance. Cette indifférence est réitérée le 4 juillet, jour de fête de l’Indépendance américaine, aucune personnalité politique locale n’assiste à la parade navale. La France en revanche est représentée non seulement par madame Ségolène Royale, ministre de l’Ecologie et Présidente du conseil régional de Poitou-Charentes, mais également pour cet évènement naval, par monsieur Jean-Yves Le Drian, notre ministre de la Défense. Monsieur Michäel Bloomberg, maire de New York a sans doute raté quelques cours d’histoire et ignore la contribution décisive de la France dans la guerre d’Indépendance américaine. Plus probablement ses intérêts politiques n’ont rien à faire de l’histoire !


La parade nommée pour l’occasion « Lafayette parade » en hommage au héros français de la guerre d’Indépendance, est néanmoins une réussite. Une armada de 120 gréements français et américains réunis, grands pavois hissés, défilent devant la statue  de la Liberté et devant Ellis Island. Plus tard dans la nuit les feux d’artifice illuminent l’East River sous le regard émerveillés des spectateurs.


L’escale New Yorkaise n’est pas au vrai sens du terme un lieu de regroupement pour notre flottille : mouillage à Manhattan pour les uns, marina dans le New Jersey à proximité de la statue de Liberté pour d’autres ou encore à la marina municipale de New Rochelle pour certains. Néanmoins un pique-nique à Central Park rassemble dans la joie et dans la bonne humeur l’ensemble des MédHermionistes.


new ROCHELLE, newport

New Rochelle, ville jumelée avec La Rochelle met un point d’honneur à accueillir gracieusement sur ses pontons les voiliers de notre armada le souhaitant. Si New York en perpétuel mouvement n’en finit pas de surprendre le visiteur, New Rochelle située à une quinzaine de nautiques dans le  nord, lui offre sérénité et havre de paix. Une ambiance de petit village règne sur les pontons où tous les occupants se connaissent et sont enclins à la discussion. A l’occasion du 4 juillet un super barbecue à l’américaine est organisé où résidents et marins de passage sont conviés pour  quelques heures de partage et de convivialité.

Plus loin, Newport, « Mecque » de la voile, offre à la flottille l’occasion de se rassembler sur des pontons flottants installés pour l’occasion juste devant le quai réservé à l’Hermione. Guidons MédHermione, grands pavois hissés ne passent pas inaperçus et suscitent une fois encore la curiosité des badauds venus admirer la belle frégate. Ces frenchies venus de Méditerranée sont tout de même surprenants mais aussi bien chanceux de pouvoir s’offrir une virée d’une année pour réaliser une aventure considérée comme un peu folle après tout aux yeux des terriens. Et quel spectacle que ce tableau réunissant l’Hermione et son escorte imperturbable et étonnante de constance. Que de pavillons français arborés en terre d’Amérique !
BOSTON

Changement d’Etat, le cap est mis sur le Massachusetts mais aussi changement d’ambiance à Boston et rencontre d’une autre société. Le comte Gilbert de Pusy Lafayette, le comte Alexandre de Pusy Lafayette et la confrérie de l’ordre Lafayette organisent en l’honneur de l’Hermione toujours en mer et de MédHermione, une réception au Boston Athenoeum. Réplique du Palais de Porta Festa de Vicenza en Italie, cette bibliothèque classée aux monuments historiques est, l’un des plus anciens hauts lieux de la culture et de la recherche bostonienne. Elle abrite également des livres ayant appartenu à George Washington ainsi qu'une impressionnante collection de tableaux originaux classiques de John Singer Sargent et de Gilbert Stuart.
La qualité des vins, des champagnes et du buffet est à la hauteur de ce site d’exception. En l’absence de l’Hermione, notre flottille suscite l’intérêt exclusif de nos hôtes.
La marina Constitution où nous séjournons est remarquablement bien située, à quelques mètres du Freedom Trail (chemin de la liberté). Ce circuit de découverte très astucieux, balisé par une ligne rouge peinte sur le trottoir ou par des pavés rouges permet de découvrir les principaux monuments et hauts-lieux de la ville sur environ six kilomètres. Seize sites officiels y sont référencés. Ce moyen vraiment ingénieux de faire partager le patrimoine historique de Boston est apprécié par les touristes. 

13 juillet notre appareillage est retardé, la dépression tropicale que nous surveillons de près se renforce et donne naissance à la tempête "Claudette". Le centre de prévisions et de surveillance des cyclones de Miami estime à 40% son risque de transformation en cyclone. "Claudette" a le rythme dans la peau ! Ach ! Elle évolue rapidement et se déplace en direction du Nord-Est. Parfait, notre route pour rejoindre Lunenburg au Canada est plus ouest.
Le 14 juillet, jour de fête nationale nous larguons les amarres et quittons Boston, notre dernière escale américaine. Une partie de la flottille fait route directe sur les Açores. Sur les 12 voiliers encore en lice, 6 seulement vont saluer nos compatriotes de Saint Pierre et Miquelon avant de rejoindre les Açores. Un 7ème  opte pour un programme différent il a l'intention d'aller chasser le caribou au Canada pendant quelques temps...!  La séparation d'avec nos compagnons de voyage, depuis maintenant dix mois, est un moment d'émotion intense. Une telle aventure tisse forcément des liens d'amitiés et de complicité. Nous nous retrouverons tous fin septembre à Porquerolles pour un joyeux séminaire de clôture de MédHermione. En attendant nous avons le cœur gros. 


Présentation de BOSTON

Boston est l'une des plus anciennes villes des Etats-Unis. Fondée en 1630 sur la péninsule de Shawmut au fond du Boston Harbor par des puritains anglais fuyant les persécutions religieuses de leur pays, elle s'est rapidement développée dès le XVII° siècle. Harvard est notamment fondée en 1636.  Vers 1750, elle compte 15 000 habitants et est alors la ville la plus peuplée des treize colonies britanniques d'Amérique du Nord. Elle joue un rôle central durant la Guerre d'Indépendance américaine et est le témoin d’événements majeurs, tels que le Massacre de Boston, le siège de Boston et la Boston Tea Party (1773). Au XIX° siècle, l'immigration italienne et irlandaise fournit une importante main d'oeuvre aux usines textiles et au secteur portuaire. Au cours du XX° siècle son économie se reconvertit vers la finance et les industries de haute technologie, bien que l'enseignement supérieur demeure le principal domaine économique.

Enfin le paysage urbain de Boston ne ressemble pas aux autres villes américaines, elle est plus conforme à nos standards européens: son centre a gardé de nombreux édifices de l'époque coloniale, ses rues ne sont pas rectilignes et la cité réserve de nombreux axes aux piétons ou aux vélos. La ville est divisée en de nombreux quartiers. Back Bay et Beacon Hill sont des quartiers résidentiels huppés. Fenway Kenmore concentre les administrations ainsi que le stade baseball de la ville, le Fenway Park. Le centre ville se compose également de Downtown - un quartier mixte où se trouvent aussi bien des habitants au revenu modeste que le quartier d'affaires- et de Chinatown. A l'image de New York qui se trouve à deux cents kilomètres au sud-ouest, Boston compte un vaste jardin public en plein cœur de l'agglomération : le Boston Common. Le Faneuil Hall est en outre l'un des bâtiments les plus visités du pays.   


Trajet Miami vers Boston puis Lunenburg à côté Halifax



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        (1)     Escale de courtoisie dans la marine nationale : escale qui n’a d’autre vocation que d’entretenir des liens, de courtoisie entre les visiteurs et le visités.
(2)  Marquis Gilbert Motier de Lafayette
(3)  surnom donné à New York