3ème et dernier épisode : Philéas à La Havane
Notre séjour « nature et découverte » cède sa
place à la séquence « rencontre » avec la Havane. Une semaine n’est
pas de trop pour faire connaissance avec les trois principaux quartiers :
la Habana Vieja, Centro Habana et le Vedado ainsi que le Malecón.
Cette avenue de bord de mer, repère
incontournable s’est imposé comme l’une des images cultes de la capitale
cubaine. Il s’étire sur 8 k entre Centro Habana, Vedado et Miramar.
Dans le centre historique de la capitale, où que le regard
se pose, l’histoire est omniprésente. Le musée de la révolution, au programme
de nos visites, s’avère un peu décevant. La propagande en est le fil
conducteur. Mais devions-nous nous attendre à autre chose ? Quant à
l’architecture de la Havane elle n’est pas sans rappeler la faune et la flore
de l’ile : inclassable et parfois assez étrange.
Habana Vieja est parsemée de joyaux architecturaux de
toutes les époques, malheureusement beaucoup ne sont pas restaurés et tombent
en décrépitude. Dommage car la ville propose aux visiteurs l’une des plus
belles collections d’édifices urbains au cachet jadis sans conteste. La vieille
ville compte à elle-seule plus de 900 édifices historiques déclinant toutes
sortes d’architectures illustres du baroque alambiqué au fastueux art déco.
Dans Centro Habana, quartiers populaires, palais somptueux et
décatis côtoient les immeubles délabrés.
Plusieurs menacent de s’écrouler. Seules les façades donnent encore un aperçu
de l’opulence des années fastes. Le pays a évité l’asphyxie grâce aux
subventions soviétiques estimées à 5 milliards de dollars jusqu’en 1990. A
partir de cette date les accords avec l’ex-URSS ont été résiliés entraînant un
manque à gagner considérable pour CUBA.
Les difficultés quotidiennes se
multiplient dans tous les domaines. Le malaise est flagrant, le peuple cubain a
du mal à subvenir à ses besoins. Les problèmes d’approvisionnement n’offrent
aucune diversité de produits. Un résident français m’a déclaré avoir fait 150
km pour trouver du papier toilette.
En revanche, en saison, les fruits et légumes locaux ne
manquent pas : mangues, papayes, ananas, tomates, patates douces…. Les
producteurs sont autorisés à vendre 10% de leur production aux consommateurs,
le reste revient à l’Etat. Des marchands ambulants, proposent également dans
les rues de la capitale un petit échantillon de ces produits frais. Nous y
avons rempli notre panier à la fin de nos journées de visites.
Le salaire moyen d’un travailleur est de 20 CUC(1)
par mois. Celui des médecins atteint les 100 CUC. Tous les emplois sont gérés
par l’Etat. Si un résident étranger souhaite employer un chauffeur par exemple
il devra acquitter la somme de 1 000 CUC par mois à l’Etat, le salaire remis au
conducteur ne sera que de 20 CUC. En contrepartie les Cubains s’approvisionnent
dans les magasins d’Etat où les prix sont très bas mais les articles de pauvre
diversité. Les soins médicaux sont pris en charge par l’Etat également.
Pas étonnant qu’un marché noir se développe pour arrondir
les fins de mois. Durant notre séjour à La Havane, Philéas était accosté
derrière la porte de service d’un restaurant. Nous étions aux premières loges
pour assister à l’un des modi operandi. Chaque jour à l’issue de leur service
les cuisiniers et serveurs emportaient un sac plastique généreusement rempli.
Ce petit rituel nous intriguait. Au fil des discussions avec les résidents nous
fîmes le rapprochement. Les denrées détournées étaient probablement destinées
au marché parallèle.
Le Cubain ne se départit pas de sa bonne humeur ; le
chant, la danse et la musique s’inscrivent dans les fondamentaux de la société.
Les arts musicaux, fruit d’un métissage entre les cultures espagnoles et
africaines, sont également nourris d’influences françaises, haïtiennes et
italiennes. Cuba a littéralement la musique dans la peau : son, salsa,
rumba, songo, opéra, jazz…
Impossible de parler de Cuba sans penser à Hemingway !
Journaliste, écrivain, prix Nobel de littérature en 1954, grand voyageur dans
les Caraïbes, Hemingway a élu domicile à Cuba, à la Havane dans un premier
temps puis dans un petit village à une quinzaine de kilomètres de la capitale.
Après son retour d’Espagne, l’écrivain rencontre un pêcheur qu’il immortalisera
dans son œuvre « Le vieil homme et la mer ». Chez un bouquiniste à la
Havane j’ai acheté un exemplaire, version espagnole, de ce livre, en pensant à
Esperanza, ma professeure d’espagnol du Beausset.
Cuba aujourd’hui reste attachée au souvenir de cet
illustre résident. Pour preuve la marina où nous séjournons porte son nom. Au
bar El Floridita une statue d’Ernest Hemingway rend hommage à l’artiste. Les
murs bleus délavés, couverts de graffitis et de photos noir et blanc des stars
qui s’y sont attablées, tentent de faire revivre la Belle Epoque.
S’il est bien un domaine dans lequel l’île n’a pas son
égal dans le monde, c’est bien dans la qualité de ses cigares. Les producteurs
de cigares profitent de conditions climatiques propices à la constance de la
production et de la qualité des feuilles de tabac. A Cuba le cigare est un
monument national. Tout y est sous la main : le planteur, la récolte… et
le rouleur.
Je pourrais passer encore bien des heures à vous faire partager
mon expérience cubaine au risque de vous lasser. Cependant je ne peux clôturer
mon récit sans aborder le thème de l’hospitalité. Les Cubains font partie des
hôtes les plus chaleureux et les plus accueillants rencontrés depuis notre
départ. Pour moi, Cuba fut et reste un vrai coup de cœur. Un regret : ne pas avoir
disposé de davantage de temps pour profiter de la beauté sauvage des cayos(2)
et pour découvrir l’intérieur du pays. Mais l’Amérique, la grande rivale, nous
attend à Key West pour une nouvelle phase.
(1) 1 CUC équivaut à peu près à un euro. Il est indexé sur
le dollar US.
(2) cayo : îlot
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