Translate

dimanche 31 mai 2015

PHILEAS EN FLORIDE

Plus d’un mois s’est écoulé depuis notre arrivée dans les eaux cubaines, un mois riche en découvertes, en aventures et en rencontres. Cuba ne peut laisser indifférent. Si Philéas tourne la page de cette longue étape, le souvenir d’un séjour agréable restera Fidel….

Le 5 mai Philéas se détache du quai de la marina avec un équipage réduit ; Alain nous quitte temporairement pour poser son sac sur un voilier du club dont l’équipage a débarqué à La Havane. Eric, le skipper d’Aldébaran apprécie ce renfort bienvenu pour cette petite traversée.

A bord de Philéas nous reprenons nos vieilles habitudes de quart par bordée avec une relève toutes les six heures la nuit. Le Gulf Stream génère une mer désordonnée et Philéas s’adonne au jerk. Nous ne pestons pas cependant car Philéas est poussé par le courant et tiré par ses voiles. Le Gulf Stream multiplie notre vitesse par deux. Le loch affiche 8 nœuds et s’envole ponctuellement à 10 nœuds….

Depuis huit mois, déjà, Philéas s’est éloigné de la Méditerranée et de son port d’attache toulonnais. Océan Atlantique Nord, mer des Caraïbes, Petites Antilles, Grandes Antilles sont devenus ses jardins de navigation. L’équipage, à la peau cuivrée par le soleil perpétuel n’a connu ni automne ni hiver. Tandis que l’été approche dans l’hexagone, Philéas amorce sa remontée vers le nord des Etats-Unis en longeant la côte Est. Le plaisir des baignades dans une mer affichant une température moyenne de 30° va céder sa place à des activités plus hétéroclites : navigation dans les Intra Coastal Waterways(1) aux paysages plus champêtres et forestiers que maritimes, observation de la vie animale terrestre, passage sous des ponts fixes et mobiles, calcul des marées et des tirants d’air… La couleur marron de l’eau des canaux dissuade de toute envie de baignade. L’équipage bien imprégné du rythme de vie décontracté des iles antillaises pénètre dans un autre monde. Le style américain de vie très conventionnel contraste avec le comportement moins vétilleux des Antillais et des Méditerranéens.

Dès notre arrivée à Key West, en Floride, nous sommes plongés dans la rigueur américaine. Si la délégation MédHermione bénéficie d’un accueil privilégié, fruit d’un travail assidu entre l’équipe organisatrice toulonnaise de la croisière américaine et notre officier de liaison franco-américain, il n’en demeure pas moins que la loi reste la loi. Notre flottille est attendue et traitée avec bienveillance. Les cambuses des voiliers sont inspectées, mais sans excès de zèle, à condition toutefois d’avoir respecté les consignes édictées : aucun produit frais d’origine  animale et végétale ne doit pénétrer sur sol américain. Les contrevenants voient leurs provisions illégales saisies pour être brûlées. Les autorités sont courtoises et aimables mais aux Etats-Unis on ne badine pas avec la loi, on la respecte. It’s the law !
  
Notre croisière sur les traces de Lafayette ne laisse pas insensible le peuple américain. Sur le ponton de la marina à Key West les badauds s’attardent avec curiosité devant l’affiche présentant notre périple. Ils manifestent un intérêt réel et admiratif lors de nos échanges verbaux.  

La municipalité de la ville quant à elle s’implique directement en prenant à sa charge les frais de l’ensemble de la flottille, une facture bien salée de 4 000 $.

Les membres de la Navy League nous honorent d’un cocktail dînatoire organisé sur une terrasse remarquablement bien située pour l’observation de la rade avec en prime un coucher de soleil d’anthologie et au premier plan la réplique de la goélette America.



La première partie de la phase américaine de MédHermione se présente sous de bons auspices !

Key West est le point extrême du sud des Etats-Unis. Située à 207 km de La Havane elle jouit d’une position stratégique sur le détroit de Floride à moins de 150 km des côtes de Cuba.     

Dans les rues de la ville des enseignes de boutiques, de bars, de restaurants, sur les plaques d’immatriculation des véhicules, le terme « Conchs », « Conch republic », « Conch ceci » « Conch cela » apparaît. Rien à voir  avec le coquillage éponyme ! Ce terme –qui se prononce conque- fait référence aux natifs des Bahamas de descendance européenne. Les Conchs s’installèrent en nombre après 1830 et peuplèrent Key West. Ce surnom qualifie aujourd’hui les habitants de la ville en général mais distingue les natifs propres, les Conchs, des habitants de longue date nés ailleurs, les Freshwater Conchs (littéralement Conchs d’eau douce).

De 1960 à 1980, période de la révolution cubaine, Key West fut le point de chute de nombreux exilés cubains. D’abord fréquentée par des artistes et des intellectuels, la ville attira très vite une intelligentsia bohème et fortunée et à partir des années 1980 un nombre important d’homosexuels attirés par l’équanimité traditionnelle des autochtones, l’ambiance du milieu artistique et un patrimoine architectural pratiquement intact. La ville connut une véritable embellie et une gentrification qui s’accéléra avec l’accroissement de sa notoriété à la fin du XXème siècle.

Key West
A Key West, le St Tropez américain, les rues se peuplent et débordent d’animation en fin de journée. Musiciens et chanteurs créent une ambiance estivale dans les bars et restaurants pour le plus grand plaisir des clients : musiques éclectiques mais de bon goût. Les rythmes cubains ne sont pas en reste non plus. Nous avons l’impression de temps à autre de prolonger notre séjour à La Havane….en fermant les yeux toutefois car le cadre est plus branché. Quelques restaurants affichent un style hors du commun : des murs tapissés de plaques d’immatriculation, des tables faites de vieilles bobines de films. L’imagination n’a pas de limite pour créer une atmosphère unique.

En ville l’architecture des maisons a conservé un cachet typique des années 1886 à 1912, à forte influence victorienne, avec des bungalows, des maisons de type shotgun(2),  des maisons à un étage, lambrissées et coiffées de toits métalliques, toutes construites en bois sur un socle surélevé d’environ un mètre par des pilotis. Peintes de couleurs pastel, elles sont ornées de découpages de  corniches, de balustres et de motifs et souvent entourées d’un porche ou d’une véranda.
La ville « neuve » située à la partie Est de l’île a été gagnée en grande partie sur les mangroves et la lagune. Elle abrite les nouveaux quartiers à vocation résidentielle et commerciale.

Dans la marina les voiliers sont minoritaires. Les yachts à moteur, plus adaptés à la navigation dans les canaux peu profonds  surplombés de nombreux ponts, ou à la pratique de la pêche au gros, rivalisent de taille et de puissance. Depuis le cockpit de Philéas nous assistons au retour de pêche, à la découpe de belles prises que les pêcheurs tout fiers suspendent à des crocs de boucher en file indienne avant de les débiter. Têtes, queues, viscères sont rejetées à l’eau pour le déjeuner des tarpons de tailles impressionnantes qui se ruent autour de la poissonnerie pour engloutir une part du festin.  Les oiseaux de mer se précipitent et plongent à la hâte pour faire  ripaille.

Des lamantins(3) fréquentent les eaux de la marina. Christian et Alain ont le privilège d’en apercevoir un. A ma grande déception je n’étais pas là au bon moment.

Nos trois jours d’escale défilent bien trop vite comme toujours. Une journée minimum est consacrée à la maintenance, à la lessive, à l’approvisionnement de la cambuse et pour une  fois à la recherche d’un prestataire de service pour un abonnement téléphonique et  Internet temporaire. Nos déplacements s’effectuent en bus ou en taxi, nos fournisseurs, bien entendu, ne sont pas concentrés autour de la marina.

Les pleins d’eau et de gasoil effectués nous quittons Key West pour la seconde plus grande commune de Floride en termes d’habitants, Miami.


Ville de loisirs, de distractions, Miami est une station balnéaire dont la renommée n’est pas à démontrer. Qui n’a jamais entendu parler de Miami ? Mais saviez-vous qu’elle est jumelée avec Nice ?


Little Habana
Entre Amérique du Nord, Amérique du Sud, Amérique Centrale et Caraïbes, Miami, surnommée « Porte des Amériques » est le type même du melting pot : quartier englobant une importante minorité cubaine à Little Habana, quartiers  à forte concentration de populations noires, ce pôle urbain est aussi francophone par sa minorité haïtienne qui cumule les legs de la pauvreté. Les langues vernaculaires sont l’anglais, l’espagnol mais aussi le créole haïtien. Miami entretient des liens économiques puissants avec l’Amérique latine. Il n’est pas surprenant qu’elle soit l’un des grands centres hispanophones des Etats-Unis. 

La métropole de Miami englobe  un grand nombre d’îles parmi lesquelles Miami Beach reliée à la côte par sept ponts routiers. Philéas choisit la version « mouillage à Miami Beach » pour échapper au prix prohibitif -4,5 $ par pied-(4)  pratiqué par la marina. Le site a de surcroît  l’avantage d’être situé à proximité des zones commerciales et de la fameuse plage. Pour nous rendre à Miami, nous empruntons tantôt le metrorail, métro de 36 km, tantôt les trois lignes du metromover ou encore les metrobus. Nous flânons à Downtown le centre-ville, à Midtown au nord, à Little Habana, à Coconut Grove l’un des endroits très en vogue en soirée et les weekend et fréquentés par les étudiants, Ici notre statut de piéton n’est pas un handicap.  

Passera ?????



Notre installation à Miami Beach plonge Christian immédiatement dans le vif du sujet : calcul des marées pour emprunter les chenaux avec suffisamment d’eau sous la quille… et calcul du tirant d’air pour passer sous les ponts fixes sans y abandonner une partie du mât.
Passe.......


---------------------------------------------------------


Philéas ne s’est délesté ni de son mât ni de sa quille, l’aventure MédHermione peut continuer, les experts à Miami s’en félicitent… 








Jeu de devinette pour mes amis lecteurs :

Quel est le point commun entre les films Goldfinder, la Cage aux folles (version américaine), le transporteur et la série télévisée Dexter ?

--------------------------------------------------------


(1)Intra Coastal Waterway : réseau de canaux et de voies d’eau navigables de 4800 situé le long du littoral oriental américain. Les ICW s’étendent de la Floride à Norfolk. Certaines sections sont des baies, des rivières et des détroits naturels, d’autres ont été aménagées par l’homme.
(2)  type de maison américaine caractérisée par une structure rectangulaire étroite.
(3)  lamantin : Gros mammifère herbivore, au corps fuselé vivant en eaux littorales peu profondes. Les lamantins figurent depuis 1973 sur la liste des espèces en voie de disparition. Dès 1904 l’Etat de Floride a interdit la chasse de ces animaux inoffensifs. L’aquarium de Miami est le premier à avoir réussi la reproduction en captivité. Sa large face et son alimentation lui vaut le surnom de vache de mer.
 (4) Philéas mesure 34 pieds


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire