Oh temps suspend ton vol ! L'horloge sourde à notre appel
continue imperturbable à tourner. L'évidence est là. Nous devons faire des
impasses sur certaines des îles antillaises. Barbuda aux magnifiques plages de
sable rose sera sacrifiée. Notre curiosité nous pousse vers Nevis, peu
fréquentée par les plaisanciers, qui nous semble plus mystérieuse.
N E V I S
Antigua disparaît peu à peu. Le rocher de Redonda
enveloppé d'un voile gris ressemble à une aquarelle. Nevis reste longtemps
cachée par une masse nuageuse. Le cône de Nevis Peak, ancien volcan et seul
massif de l'île reste coiffé d'un bonnet de coton qui donne l'illusion de
sommets enneigés. Pas de falaise abrupte, ni de redan se jetant dans la mer, le
volcan Nevis descend en douce circonférence et s’étale jusqu'aux bords de la
mer.
Approche de Nevis
Nous doublons Fort Charles, construit au XVII° siècle, en
restant à bonne distance de la pointe, la côte étant réputée mal pavée. La grande plage de plus de 6 km de long de Pinney Beach attend les plaisanciers. Cent
bouées ont été installées entre Gallows bay et Oualie beach, au nord-est de
Nevis. Trois ou quatre voiliers tout au plus se partagent le sud de cet immense
mouillage. Nous prenons un corps mort devant le «Four seasons resort». Cet
hôtel haut de gamme récemment rénové offre à sa clientèle (très) aisée des
prestations de grand standing. Un garde en contrôle l’accès côté mer. Quatre
brise-lames ont été construits par l'hôtel pour protéger sa plage.
Une ambiance de fin de saison règne sur Nevis sans doute
due à l'éclairage. La couverture nuageuse qui enveloppe l'île lui donne un
aspect austère.
Pinney beach
Charlestown, la capitale partiellement détruite par un
incendie en 1873, compte 12 000 habitants. La partie la plus animée se situe
autour du port et de la rue principale où nous effectuons les formalités
d'entrée. Entre douane, immigration et autorités portuaires nous nous baladons
d'un bureau à l'autre. Le même rituel à l'arrivée et au départ de chaque île
visitée. Dans ce bourg tranquille les maisons posées là sans ordre ni idée
préconçue diffèrent peu de celles rencontrées jusqu'ici. Implanté dans la
maison natale d'Alexander Hamilton, belle demeure de style géorgien, le musée
de Nevis rassemblent objets et documents de l'ère de la canne à sucre et du
commerce des esclaves. Hamilton,
fondateur du parti démocrate des États Unis, fut le premier secrétaire
d'Etat d'Amérique. Une autre figure historique à Nevis est Horatio Nelson qui a
épousé une veuve nevisienne, Frances Lisbet. Pour autant la plupart des Nevisiens
n’appréciait pas Nelson, commandant de la flotte des îles sous le vent. Nelson
s'employa à faire respecter strictement
les lois commerciales britanniques notamment celles interdisant le
commerce avec les nouveaux Etats Unis d'Amérique. Les cargaisons des bateaux nevisiens contrevenant à ces lois étaient impitoyablement
saisies.
Le temps maussade et
l’atmosphère du mouillage ne nous incitent pas à un séjour prolongé.
Certaines îles attirent d'autres repoussent. En fin d'après midi nous larguons
la bouée et faisons route au nord vers Cades bay pour y passer la nuit. Au
chant du coq le lendemain matin Philéas est en route pour le cours trajet vers
St Christophe, plus communément appelé St Kitts.
St K I T T S
Les îles de Nevis et de St Kitts ne sont séparées
que par un chenal peu profond de deux miles (3,22 km) connu sous le nom
"The Narrows". Au loin nous
apercevons des vagues se presser. Nous nous dirigeons vers Basseterre, la
capitale, avec l'intention de mouiller à l'entrée du port de plaisance, au pied
de la ville. Le mouillage très agité, en plein vent et l'important clapot
nous contraignent à changer nos plans.
Nous jetons l'ancre à l'est de la baie, près des garde-côtes. Le site est là
aussi fort inconfortable et pour couronner le tout la pluie s'acharne
pratiquement toute la journée. Quel accueil !
Nevis et St Kitts |
Nous prenons
contact avec la capitainerie de Port Zante, tout petit port disposant de peu
de places avant de nous présenter. Les échanges VHF sont difficiles. Notre
correspondant nous répond dans un “charabia”
supposé être de l'anglais. Finalement nous nous engageons dans la petite
passe. Un emplacement doit nous être indiqué. Personne en vue ! Nous scrutons
les pontons. Notre marinier n'est pas là. Tout à coup un rasta apparaît en
gesticulant. Une place est disponible au bout de la marina, entre deux piquets
installés en quinconce. Peu de place pour manœuvrer ! Nous nous présentons en
marche avant. L'employé du port, emprunté, ne nous est de toute évidence
d'aucune aide. A notre soulagement une équipe de quai internationale et bénévole
-plaisanciers de passage comme nous-, réceptionne les aussières. Philéas,
étrave à quai, doit être amarré par
l'arrière aux deux piliers l’encadrant. Moment de pure acrobatie ! J'enlace
l'un des piliers avant de le ceinturer. Christian me retient par la taille,
l'heure n'est pas à la baignade. Un plaisancier attrape la seconde aussière et
la fait voltiger tel un lasso autour du second poteau. Quelle dextérité ! Il devait être cowboy dans
une vie antérieure ! Notre rasta observe la scène les bras ballants, puis nous
invite à nous présenter à la capitainerie.
Très surprenant,
le bureau, pièce vide n'est constitué que d'un comptoir et de deux chaises
occupées par les employés vêtus de façon très décontractée. La VHF est posée à
même le sol, pas d'ordinateur, peut-être un téléphone. La monnaie locale est le
dollar caraïbe mais la facture est systématiquement rédigée en dollars
américains Aucune autre alternative n'est proposée. Le raccordement électrique
au quai nécessite non seulement une prise américaine mais également un
transformateur 110/220 V. Nous nous passerons donc d'électricité pendant notre
séjour.
En revanche
Philéas est bien gardé. Un factionnaire installé dans une guérite type “marine
nationale” contrôle les mouvements d'entrée et de sortie. Un badge nous est
délivré à chaque sortie et nous devons
nous pointer sur un cahier.
Port Zanté abrite
également une gare maritime qui accueille des paquebots constitués d'une
clientèle essentiellement américaine. Une grande zone hors taxes invite les
touristes à se délester de quelques centaines voire milliers de dollars en
échange d'article de luxe : parfum, électronique, alcool, tabac, bijoux.... J'y
trouverai des cartes postales à prix d'or. Peu importe je ne peux déroger aux
rituels de l'envoi de mes chères cartes postales pour faire voyager par
procuration famille et amis.
Basseterre,
la capitale, du même nom que la ville guadeloupéenne, construite par les
Français en 1620, ravagée par plusieurs séismes et ouragans puis par un
incendie en 1867, a été reconstruite au XIX° siècle. L'architecture des maisons
est un patchwork hétérogène de styles
français et anglais avec une touche antillaise : maisons aux couleurs pastel
encadrées de vérandas à balustrades.
The circus |
Le
centre ville est assez surprenant : une petite place octogonale, le circus,
hébergeant le mémorial Berkeley et une curieuse horloge victorienne, donne à
Basseterre un petit cachet britannique. Aux heures de pointe, ce carrefour
singulier aux Antilles est encerclé de véhicules indisciplinés. Plus loin le
square de l'Indépendance offre un cadre agréable pour flâner. En arrière plan
l'église catholique de l'Immaculée conception attend les fidèles.
St
Kitts, île volcanique renommée autrefois pour son sol fertile dispose d'eau
potable en abondance. Un formidable potentiel pour l'agriculture. Les Kittitiens
délaissent cependant les travaux de la terre considérés comme avilissants et se
tournent vers le tourisme plus valorisant et les secteurs de l'immobilier de
loin plus lucratifs. Un programme d'investissement offre la possibilité
d'obtenir la nationalité kittitienne aux étrangers investissant un minimum de
350 000 dollars américains dans un projet immobilier approuvé par le
gouvernement. Le développement à tout prix !
Frigate
bay est le type même de l'expansion touristique de l'île. Les Kittitiens en
retirent une grande fierté. Lors de notre tour de St Kitts notre guide nous offrira
en bonus un arrêt au point de vue surplombant cette baie envahie par les
résidences et hôtels. Le projet d'une immense marina est en gestation depuis un
ou deux ans, probablement en attente de financement. Nous nous abstenons de
tout commentaire déplaisant mais préférons et de loin poser notre regard à
l'opposé, au sud est, côté péninsule où le paysage n'a pas encore été dénaturé.
The narrows, paysage encore vierge
Quelques
rares Français ont élu domicile à St Kitts. Nous avons rencontré Bruno,
originaire d'Antibes qui, à 50 ans, a choisi d'y vivre une retraite paisible
avec son épouse. Propriétaire d'une maison en bord de mer à Frigate Bay depuis
deux ans, il passe sept mois de l'année au soleil kittitien. Il nous vante les mérites
de St Christophe avec ferveur. D'après Bruno quatre Français résident sur l'île
dont le directeur de l'Alliance française. Il ne nous dira pas si
l'apprentissage de la langue de Molière attire beaucoup d'autochtones dans un
pays sponsorisé par les Etats Unis.
Romney manor |
A
l'intérieur de l'île nous flânerons au jardin botanique de Romney Manor
jouxtant la forêt tropicale, caléidoscope de couleurs chatoyantes. Le site fut
la propriété de Sam Jefferson, l'arrière arrière grand-père de Thomas
Jefferson, le 3ème président des Etats Unis avant d'appartenir à la fin du
XVII° siècle à Lord Romney. Nous restons
en admiration devant un arbre majestueux. La taille du tronc est impressionnante.
Cet arbre à pluie(1) -Saman tree- a résisté aux cyclones
successifs par miracle et veille depuis plus de 350 ans sur la propriété.
Caribelle batik |
Ce
jardin héberge en son centre depuis 1974 ”Batik caribelle”. Dans cet atelier les
tissus sont peints à la main dans la
tradition indonésienne batik. Le processus est long. La technique consiste à
enduire de cire les zones du coton à ne pas colorer avant de le plonger dans un
bain de couleur approprié. L'opération est renouvelée méticuleusement pour
chaque teinte à imprimer sur le tissu. Une pièce peut requérir jusqu'à neuf
bains de teintures différentes.
Greg,
notre guide prend plaisir à nous faire découvrir les points d'intérêts de
son île : chaîne volcanique, vestiges d'une coulée de lave cristallisée,
anciens moulins à sucre, églises de toutes confessions, la plus
grande forteresse jamais construite dans les Caraïbes orientales qu’est la forteresse de Brimstone
hill construite sous l'autorité des anglais par des esclaves africains en 1690
avec des pierres volcaniques locales. Nous allons tout connaître ou presque de
St Christophe...
Mercredi 2 mai – 06h00 du matin en route
vers St E U S T A C H E
Philéas
file au largue en direction de St Eustache, surnommée STATIA. Depuis notre
départ d'Antigua nous avons l'impression d'avoir changé de bassin de
navigation. Le ciel gris et nuageux et la visibilité médiocre créent une
atmosphère nordique. Le mythe des Antilles ensoleillées s'effrite au rythme des
averses jouant à la surenchère. Les cirés réapparaissent mais lot de
consolation les shorts sont toujours en service.
Saint-Eustache est une île d'origine volcanique relevée
à ses deux extrémités par le Quill (le point culminant de l'île avec 602 mètres
couronné à son sommet par le cratère de Quill) et par trois collines culminant
entre 200 et 294 mètres qui encadrent une vallée
centrale abritant la majorité de la population et des infrastructures.
approche de Statia |
Oranjstad - ville haute |
Oranjstad - ville haute |
Langouste au même prix que le steak !!! |
St M A R T I N
Au lever
du jour le cap est mis sur St Martin pour une escale de santé. Contrôle
technique, maintenance, avitaillement à compléter seront les maîtres mots de
notre séjour. Quelques jours nous séparent maintenant de la traversée retour.
Nous jetons l'ancre à Marigot. Le réseau de bus est bien développé et facilite
nos déplacements entre St Martin la Française et Sin Maarten la Néerlandaise.
Saint-Martin
est, depuis le 15 juillet 2007, une collectivité d'outre-mer française, située
dans la partie nord de l’île de Saint-Martin. Avant
cette date, elle faisait partie intégrante du département d'outre-mer de la Guadeloupe.
La partie sud de l’île, appelée Sint Maarten (en néerlandais),
forme depuis le 10 octobre 2010 un État du royaume des Pays-Bas. La fédération des Antilles néerlandaises, dont elle était
l'une des cinq régions, a été dissoute à cette même date.
La partie nord de l'île (53 km²) est la plus grande
des deux parties. Elle inclut de nombreux mornes (petites montagnes) dont les
points culminants sont : Pic Paradis (424 m), Mont Careta
(401 m), Flagstaff (390 m), Mont France (387 m), Mont des
Accords (322 m), Marigot hill (307 m), Mont O'Reilly. A St Martin nous ne retrouvons pas les Antilles
françaises rencontrées jusqu'ici. Les marchés de fruits et légumes et de
poissons fleurissent sur les quais mais nous les trouvons fades sans âme. Côté
hollandais, Sint Maarten est une métropole commerciale où les touristes
s'empressent d'acquérir électronique, bijoux, vêtements de marque à prix hors
taxes défiants toute concurrence. L'immobilier est en pleine expansion. Les
promoteurs déploient une armée de commerciaux chargés d'appâter les clients. A Marigot nous sommes
interpelés par l'un de ces agents. Il nous fait miroiter monts et merveilles.
L'offre en question est classique : devenir propriétaire d'un appartement dans
une résidence hôtelière une semaine par an à Sint Maarten. Face à notre conception bien différente des
vacances, notre commercial est dépité. Nous ne sommes pas le couple idéal pour
ce projet.
Le 14
mai nous quittons St Martin pour rejoindre St Barthélémy où nous avons rendez
vous avec la flottille MEDATLAN. La traversée retour n'a jamais été aussi
proche.
Arc antillais, notre plan d'eau pendant 5 mois |
(1) arbre à pluie
(Saman tree) : ou bois noir
d'Haïti est une espèce d'arbre originaire d'Amérique du Sud. Sa forme est comparable à un parasol. Lorsqu’il pleut ses folioles
se replient sur elles-mêmes permettant ainsi à l'eau d'atteindre le sol. Une
fois le soleil revenu, les folioles se déploient à nouveau et profitent de la
lumière, laissant un sol frais et humide.
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