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mardi 15 mai 2012

15 - PHILEAS A NEVIS - St KITTS - STATIA et ST MARTIN

                    

Oh temps suspend ton vol ! L'horloge sourde à notre appel continue imperturbable à tourner. L'évidence est là. Nous devons faire des impasses sur certaines des îles antillaises. Barbuda aux magnifiques plages de sable rose sera sacrifiée. Notre curiosité nous pousse vers Nevis, peu fréquentée par les plaisanciers, qui nous semble plus mystérieuse.



N E V I S


Antigua disparaît peu à peu. Le rocher de Redonda enveloppé d'un voile gris ressemble à une aquarelle. Nevis reste longtemps cachée par une masse nuageuse. Le cône de Nevis Peak, ancien volcan et seul massif de l'île reste coiffé d'un bonnet de coton qui donne l'illusion de sommets enneigés. Pas de falaise abrupte, ni de redan se jetant dans la mer, le volcan Nevis descend en douce circonférence et s’étale jusqu'aux bords de la mer.

 Approche de Nevis

Nous doublons Fort Charles, construit au XVII° siècle, en restant à bonne distance de la pointe, la côte étant réputée mal pavée.  La grande plage de plus de 6 km de long  de Pinney Beach attend les plaisanciers. Cent bouées ont été installées entre Gallows bay et Oualie beach, au nord-est de Nevis. Trois ou quatre voiliers tout au plus se partagent le sud de cet immense mouillage. Nous prenons un corps mort devant le «Four seasons resort». Cet hôtel haut de gamme récemment rénové offre à sa clientèle (très) aisée des prestations de grand standing. Un garde en contrôle l’accès côté mer. Quatre brise-lames ont été construits par l'hôtel pour protéger sa plage. 
Une ambiance de fin de saison règne sur Nevis sans doute due à l'éclairage. La couverture nuageuse qui enveloppe l'île lui donne un aspect austère.

 Pinney beach

Charlestown, la capitale partiellement détruite par un incendie en 1873, compte 12 000 habitants. La partie la plus animée se situe autour du port et de la rue principale où nous effectuons les formalités d'entrée. Entre douane, immigration et autorités portuaires nous nous baladons d'un bureau à l'autre. Le même rituel à l'arrivée et au départ de chaque île visitée. Dans ce bourg tranquille les maisons posées là sans ordre ni idée préconçue diffèrent peu de celles rencontrées jusqu'ici. Implanté dans la maison natale d'Alexander Hamilton, belle demeure de style géorgien, le musée de Nevis rassemblent objets et documents de l'ère de la canne à sucre et du commerce des esclaves. Hamilton,  fondateur du parti démocrate des États Unis, fut le premier secrétaire d'Etat d'Amérique. Une autre figure historique à Nevis est Horatio Nelson qui a épousé une veuve nevisienne, Frances Lisbet. Pour autant la plupart des Nevisiens n’appréciait pas Nelson, commandant de la flotte des îles sous le vent. Nelson s'employa à faire respecter strictement  les lois commerciales britanniques notamment celles interdisant le commerce avec les nouveaux Etats Unis d'Amérique. Les cargaisons des bateaux nevisiens  contrevenant à ces lois étaient impitoyablement saisies.
Le temps maussade et  l’atmosphère du mouillage ne nous incitent pas à un séjour prolongé. Certaines îles attirent d'autres repoussent. En fin d'après midi nous larguons la bouée et faisons route au nord vers Cades bay pour y passer la nuit. Au chant du coq le lendemain matin Philéas est en route pour le cours trajet vers St Christophe, plus communément appelé St Kitts. 


St   K I T T S


Les îles de Nevis et de St Kitts ne  sont séparées que par un chenal peu profond de deux miles (3,22 km) connu sous le nom "The Narrows".  Au loin nous apercevons des vagues se presser. Nous nous dirigeons vers Basseterre, la capitale, avec l'intention de mouiller à l'entrée du port de plaisance, au pied de la ville. Le mouillage très agité, en plein vent et l'important clapot nous contraignent  à changer nos plans. Nous jetons l'ancre à l'est de la baie, près des garde-côtes. Le site est là aussi fort inconfortable et pour couronner le tout la pluie s'acharne pratiquement toute la journée. Quel accueil ! 
Nevis et St Kitts
Nous prenons contact avec la capitainerie de Port Zante, tout petit port disposant de peu de places avant de nous présenter. Les échanges VHF sont difficiles. Notre correspondant nous répond dans un “charabia”  supposé être de l'anglais. Finalement nous nous engageons dans la petite passe. Un emplacement doit nous être indiqué. Personne en vue ! Nous scrutons les pontons. Notre marinier n'est pas là. Tout à coup un rasta apparaît en gesticulant. Une place est disponible au bout de la marina, entre deux piquets installés en quinconce. Peu de place pour manœuvrer ! Nous nous présentons en marche avant. L'employé du port, emprunté, ne nous est de toute évidence d'aucune aide. A notre soulagement une équipe de quai internationale et bénévole -plaisanciers de passage comme nous-, réceptionne les aussières. Philéas, étrave à quai, doit être amarré  par l'arrière aux deux piliers l’encadrant. Moment de pure acrobatie ! J'enlace l'un des piliers avant de le ceinturer. Christian me retient par la taille, l'heure n'est pas à la baignade. Un plaisancier attrape la seconde aussière et la fait voltiger tel un lasso autour du second poteau.  Quelle dextérité ! Il devait être cowboy dans une vie antérieure ! Notre rasta observe la scène les bras ballants, puis nous invite à nous présenter à la capitainerie.
Très surprenant, le bureau, pièce vide n'est constitué que d'un comptoir et de deux chaises occupées par les employés vêtus de façon très décontractée. La VHF est posée à même le sol, pas d'ordinateur, peut-être un téléphone. La monnaie locale est le dollar caraïbe mais la facture est systématiquement rédigée en dollars américains Aucune autre alternative n'est proposée. Le raccordement électrique au quai nécessite non seulement une prise américaine mais également un transformateur 110/220 V. Nous nous passerons donc d'électricité pendant notre séjour.
En revanche Philéas est bien gardé. Un factionnaire installé dans une guérite type “marine nationale” contrôle les mouvements d'entrée et de sortie. Un badge nous est délivré à chaque sortie  et nous devons nous pointer sur un cahier.  

Port Zanté abrite également une gare maritime qui accueille des paquebots constitués d'une clientèle essentiellement américaine. Une grande zone hors taxes invite les touristes à se délester de quelques centaines voire milliers de dollars en échange d'article de luxe : parfum, électronique, alcool, tabac, bijoux.... J'y trouverai des cartes postales à prix d'or. Peu importe je ne peux déroger aux rituels de l'envoi de mes chères cartes postales pour faire voyager par procuration famille et amis.

Basseterre, la capitale, du même nom que la ville guadeloupéenne, construite par les Français en 1620, ravagée par plusieurs séismes et ouragans puis par un incendie en 1867, a été reconstruite au XIX° siècle. L'architecture des maisons est un patchwork  hétérogène de styles français et anglais avec une touche antillaise : maisons aux couleurs pastel encadrées de vérandas à balustrades.
The circus
Le centre ville est assez surprenant : une petite place octogonale, le circus, hébergeant le mémorial Berkeley et une curieuse horloge victorienne, donne à Basseterre un petit cachet britannique. Aux heures de pointe, ce carrefour singulier aux Antilles est encerclé de véhicules indisciplinés. Plus loin le square de l'Indépendance offre un cadre agréable pour flâner. En arrière plan l'église catholique de l'Immaculée conception attend les fidèles.


St Kitts, île volcanique renommée autrefois pour son sol fertile dispose d'eau potable en abondance. Un formidable potentiel pour l'agriculture. Les Kittitiens délaissent cependant les travaux de la terre considérés comme avilissants et se tournent vers le tourisme plus valorisant et les secteurs de l'immobilier de loin plus lucratifs. Un programme d'investissement offre la possibilité d'obtenir la nationalité kittitienne aux étrangers investissant un minimum de 350 000 dollars américains dans un projet immobilier approuvé par le gouvernement. Le développement à tout prix !

Frigate bay est le type même de l'expansion touristique de l'île. Les Kittitiens en retirent une grande fierté. Lors de notre tour de St Kitts notre guide nous offrira en bonus un arrêt au point de vue surplombant cette baie envahie par les résidences et hôtels. Le projet d'une immense marina est en gestation depuis un ou deux ans, probablement en attente de financement. Nous nous abstenons de tout commentaire déplaisant mais préférons et de loin poser notre regard à l'opposé, au sud est, côté péninsule où le paysage n'a pas encore été dénaturé.


 The narrows, paysage encore vierge

Quelques rares Français ont élu domicile à St Kitts. Nous avons rencontré Bruno, originaire d'Antibes qui, à 50 ans, a choisi d'y vivre une retraite paisible avec son épouse. Propriétaire d'une maison en bord de mer à Frigate Bay depuis deux ans, il passe sept mois de l'année au soleil kittitien. Il nous vante les mérites de St Christophe avec ferveur. D'après Bruno quatre Français résident sur l'île dont le directeur de l'Alliance française. Il ne nous dira pas si l'apprentissage de la langue de Molière attire beaucoup d'autochtones dans un pays sponsorisé par les Etats Unis.

Romney manor
A l'intérieur de l'île nous flânerons au jardin botanique de Romney Manor jouxtant la forêt tropicale, caléidoscope de couleurs chatoyantes. Le site fut la propriété de Sam Jefferson, l'arrière arrière grand-père de Thomas Jefferson, le 3ème président des Etats Unis avant d'appartenir à la fin du XVII° siècle à  Lord Romney. Nous restons en admiration devant un arbre majestueux. La taille du tronc est impressionnante. Cet arbre à pluie(1) -Saman tree- a résisté aux cyclones successifs par miracle et veille depuis plus de 350 ans sur la propriété. 
Caribelle batik
Ce jardin héberge en son centre depuis 1974 ”Batik caribelle”. Dans cet atelier les tissus sont peints  à la main dans la tradition indonésienne batik. Le processus est long. La technique consiste à enduire de cire les zones du coton à ne pas colorer avant de le plonger dans un bain de couleur approprié. L'opération est renouvelée méticuleusement pour chaque teinte à imprimer sur le tissu. Une pièce peut requérir jusqu'à neuf bains de teintures différentes.


Greg, notre guide prend plaisir à nous faire découvrir les points d'intérêts de son île : chaîne volcanique, vestiges d'une coulée de lave cristallisée, anciens moulins à sucre, églises de toutes confessions, la plus grande forteresse jamais construite dans les Caraïbes orientales qu’est la forteresse de Brimstone hill construite sous l'autorité des anglais par des esclaves africains en 1690 avec des pierres volcaniques locales. Nous allons tout connaître ou presque de St Christophe...



Mercredi 2 mai – 06h00 du matin en route vers St   E U S T A C H E



Philéas file au largue en direction de St Eustache, surnommée STATIA. Depuis notre départ d'Antigua nous avons l'impression d'avoir changé de bassin de navigation. Le ciel gris et nuageux et la visibilité médiocre créent une atmosphère nordique. Le mythe des Antilles ensoleillées s'effrite au rythme des averses jouant à la surenchère. Les cirés réapparaissent mais lot de consolation les shorts sont toujours en service.
Saint-Eustache est une île d'origine volcanique relevée à ses deux extrémités par le Quill (le point culminant de l'île avec 602 mètres couronné à son sommet par le cratère de Quill) et par trois collines culminant entre 200 et 294 mètres qui encadrent une vallée centrale abritant la majorité de la population et des infrastructures. 
approche de Statia
Cette île se trouve hors des sentiers battus, très peu de visiteurs foulent son sol. Le mouillage, le seul fréquentable de l'île est à Oranje bay. Nous prenons l'une des douze bouées installées par le parc national, non loin du bureau des autorités portuaires. Le site, rouleur, est loin d'être idyllique. A deux kilomètres au nord, d'immenses réservoirs circulaires à carburant envahissent la côte telles des verrues. Un long quai s'avance dans la mer, de nombreux remorqueurs et tankers en attente autour du dock finissent d'enlaidir Oranje bay.
Oranjstad - ville haute
Nous nous rendons à terre pour effectuer les formalités habituelles. Pas question d'y échapper même si nous avons l'intention de ne rester qu'une seule journée. Les rares voiliers de passage sont vite repérés. Nous pensions arriver dans un port franc mais surprise St Eustache a changé de statut depuis le 10 octobre 2010 et....de pavillon. Elle forme une entité publique néerlandaise à statut particulier (Pays-Bas caribéens) suite à la dissolution de l’ancien État autonome de la fédération des Antilles néerlandaises dont elle faisait partie. La panoplie des formulaires à remplir reste en revanche toujours aussi conséquente. Etant donné la brièveté de notre séjour nous espérons pouvoir effectuer les mouvements d'entrée et de sortie simultanément. La fonctionnaire de l'immigration est embarrassée. Nous prévoyons un départ le lendemain à l'aube avant l'ouverture des bureaux. Que faire ? Face à ce problème métaphysique, elle nous invite à nous représenter dans quelques heures pour accomplir les formalités de sortie ! 

Oranjstad - ville haute
Oranjestad, seule ville de l'île, nommée ainsi en l'honneur de la couronne néerlandaise (la maison d'Orange-Nassau), se divise en une ville haute et une ville basse. Centre névralgique du commerce dans les Antilles elle fut l'un des ports les plus actifs entre le milieu et la fin du XVII° siècle. Plus de trois cents voiliers y faisaient escales. Tout le long du rivage un mur protégeait les échoppes et entrepôts. L'âge d'or prit fin au début du XIX° siècle avec le changement de climat politique et économique aux Caraïbes. Un long déclin et une émigration massive s'en suivirent. Aujourd'hui dans la ville basse, seules quelques ruines témoignent de ce passé florissant. En revanche, ville haute les vieux bâtiments ont été rénovés avec des fonds néerlandais. Il y règne une atmosphère de pays nordiques, la chaleur en plus. Le côté soigné des maisons bien rangées aux façades entretenues donne à Oranjestad une allure de bourg hollandais. 
Langouste au même prix que le steak !!!
Seule la physionomie des autochtones rappelle que nous sommes aux Caraïbes, point de cheveux clairs et de peaux laiteuses. Si le néerlandais  est la langue officielle nous constatons avec étonnement que l'anglais est le langage véhiculaire à Statia. Nous n'avons entendu parler hollandais ni dans les échoppes, ni dans les bureaux administratifs.  Et pourtant dans les établissements scolaires, l'instruction est dispensée dans la langue officielle. Statia est fière de son système d'éducation à l'européenne autant qu'elle l'est d'accueillir une université de médecine américaine. Un moyen sans doute de stimuler son économie.



St   M A R T I N


Au lever du jour le cap est mis sur St Martin pour une escale de santé. Contrôle technique, maintenance, avitaillement à compléter seront les maîtres mots de notre séjour. Quelques jours nous séparent maintenant de la traversée retour. Nous jetons l'ancre à Marigot. Le réseau de bus est bien développé et facilite nos déplacements entre St Martin la Française et Sin Maarten la Néerlandaise.

http://www.sxmsaintmartin.com/images/carte-saint-martin.png
Saint-Martin est, depuis le 15 juillet 2007, une collectivité d'outre-mer française, située dans la partie nord de l’île de Saint-Martin. Avant cette date, elle faisait partie intégrante du département d'outre-mer de la Guadeloupe. La partie sud de l’île, appelée Sint Maarten (en néerlandais), forme depuis le 10 octobre 2010 un État du royaume des Pays-Bas. La fédération des Antilles néerlandaises, dont elle était l'une des cinq régions, a été dissoute à cette même date.
La partie nord de l'île (53 km²) est la plus grande des deux parties. Elle inclut de nombreux mornes (petites montagnes) dont les points culminants sont : Pic Paradis (424 m), Mont Careta (401 m), Flagstaff (390 m), Mont France (387 m), Mont des Accords (322 m), Marigot hill (307 m), Mont O'Reilly. A St Martin nous ne retrouvons pas les Antilles françaises rencontrées jusqu'ici. Les marchés de fruits et légumes et de poissons fleurissent sur les quais mais nous les trouvons fades sans âme. Côté hollandais, Sint Maarten est une métropole commerciale où les touristes s'empressent d'acquérir électronique, bijoux, vêtements de marque à prix hors taxes défiants toute concurrence. L'immobilier est en pleine expansion. Les promoteurs déploient une armée de commerciaux chargés d'appâter les clients. A Marigot nous sommes interpelés par l'un de ces agents. Il nous fait miroiter monts et merveilles. L'offre en question est classique : devenir propriétaire d'un appartement dans une résidence hôtelière une semaine par an à Sint Maarten. Face  à notre conception bien différente des vacances, notre commercial est dépité. Nous ne sommes pas le couple idéal pour ce projet.

Le 14 mai nous quittons St Martin pour rejoindre St Barthélémy où nous avons rendez vous avec la flottille MEDATLAN. La traversée retour n'a jamais été aussi proche.
Arc antillais, notre plan d'eau pendant 5 mois










 





(1) arbre à pluie (Saman tree) : ou bois noir d'Haïti est une espèce d'arbre originaire d'Amérique du Sud. Sa forme est comparable à un parasol. Lorsqu’il pleut ses folioles se replient sur elles-mêmes permettant ainsi à l'eau d'atteindre le sol. Une fois le soleil revenu, les folioles se déploient à nouveau et profitent de la lumière, laissant un sol frais et humide.

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